Le quatuor cessa les embrassades à cause de l'attention qu'ils attiraient sur eux. Ils s'éloignèrent un peu en demeurant debout, leur bière à la main. Nerva but la moitié de sa choppe pour se remettre de l'émotion et grimaça. C'était la bière la plus horrible qu'il ait jamais ingurgité.
Il n'en revenait toujours pas et la situation demeurait encore un peu obscures à ses yeux, malgré quelques certitudes.
- Comment est-ce que vous êtes arrivées ici ? demanda-t-il à Meng Yi.
Sa sœur haussa les épaules avec fatalité et roula les yeux au plafond.
- Longue histoire. Pour la faire courte, nous avons quitté Hangaï pour les terres gelées. Nous avons rejoint les rangs des Valseryes mais des hommes qui se croyaient plus malins que la moyenne ont capturé une des nôtres. Manque de chance, c'est ma meilleure amie. Dans le nord c'est à la vie, à la mort. Je me suis lancée à leur poursuite avec Liorah et nous sommes remontées jusqu'à cette ville de malheur. Puis nous avons eu une absence et nous nous sommes retrouvées dans ce bouge avec la bière la plus immonde de toute mon existence sous le nez. C'est là que vous êtes arrivés. Ça n'a pas été difficile de deviner qui vous étiez, grâce au lien et à notre ressemblance. Nous ne sommes pas jumeaux pour rien.
- Pourquoi t'être enfuie du palais ? insista Nerva. A cause de ton mariage ?
- Tu tiens vraiment à avoir les détails ? Disons que le mariage était une épine dans mon pied mais que j'étais prête à le tolérer. Mon fiancé possédait un petit charme, il n'était pas trop bête et il me traitait avec respect même si on ne ressentait pas d'amour l'un pour l'autre. Le problème ne venait pas de là. Est-ce que tu savais que j'avais été élevé sans Liorah à mes côtés ? Sans savoir que j'étais une des enfants de la prophétie ?
Nerva fronça les sourcils. Comment était-ce possible ?
- J'ai vécu dans un vase clôt, coupé du monde, répondit sa sœur en lisant sa question silencieuse sur son visage. Le palais royal est une enclave dans le monde réel pour protéger les nobles et leurs petits intérêts. On a séparé Liorah de moi dès ma naissance, on a ordonné aux serviteurs qui connaissaient la vérité de se taire sous peine de perdre leur emploi, voire leur tête. J'ai été maintenu dans le secret jusqu'à récemment. Ma curiosité naturelle et le besoin d'emmerder nos chers géniteurs m'ont poussé à explorer un pavillon interdit à tout le monde, à l'exception d'une servante qui s'y rendait matin, midi et soir avec un repas. Je pensais qu'on y retenait un bâtard gênant pour la succession, ça m'intéressait de découvrir quelle magouille de la cour on dissimulait derrière ces murs. Mais ce n'était pas un bâtard. Ils ont enfermé Liorah là-dedans durant des années, dans une pièce sombre. Elle était enchaînée, seule et pourtant si rayonnante. J'avais entendu parler de la prophétie grâce à mes précepteurs, même si j'ignorais que je jouais un rôle dedans. C'est en la rencontrant que j'ai compris. Je suis entrée dans une rage folle : j'ai libéré Liorah et nous nous sommes enfui le plus loin possible de cette prison pleine de fous.
Elle acheva son récit en vidant sa bière d'une traite. Le cœur de Nerva saignait pour sa sœur d'âme. Il l'imaginait sans peine enfermée seule, dans le noir, isolée d'un monde qui ne voulait pas d'elle et la traitait comme si elle n'existait pas. Il remercia les dieux que Meng Yi ait été si intelligente et courageuse.
- Et vous, que venez-vous faire dans le nord ? les questionna Liorah avec gentillesse.
- Nous sommes arrivés ici par le plus pur des hasards, avoua Nerva. Nous avons eu une longue absence car nous étions à Hangaï avant de nous réveiller au beau milieu de Ronto. Je crois que le destin nous a conduit les uns vers les autres.
- Lui ou la prophétie, rectifia Umbriel. Des forces supérieures sont à l'œuvre et la fin approche. On nous a poussé à nous retrouver, pour que tout s'accomplisse : ce n'est pas un hasard.
Liorah approuva les propos de son frère. A quatre ils formaient le noyau dur de la prophétie, ceux à cause de qui tout basculait. Pourtant ils papotaient dans une taverne miteuse autour d'une bière bon marché, comme si de rien n'était. La fatigue pesait sur les épaules de Nerva.
- Nous ferions mieux d'en rester là pour aujourd'hui, déclara Meng Yi en terminant la bière que Liorah avait à peine touché. Vous avez des têtes de revenants, un peu de repos ne vous fera pas de mal. Nous avons réservé une chambre ici, avec deux lits simples. Je peux dormir par terre, vivre à la dure ne me dérange pas.
- Je peux aussi céder ma place, ajouta Liorah. L'inconfort ne me dérange plus.
- Et demain ? s'enquit Umbriel.
- Quoi demain ? grogna Meng Yi.
- Nous allons tous gentiment dormir ensemble comme si nous étions une fratrie de miséreux en train de se serrer les coudes mais demain ? Vous allez repartir en quête de votre amie et nous allons rentrer à la forteresse d'Amaris ?
La jeune femme au regard de chat réfléchit puis se pencha sur la table comme une conspiratrice :
- Je propose un marché pour mettre tout le monde d'accord. Vous nous aidez à secourir notre amie et en échange nous venons avec vous, peu importe où vous allez. Ça vous va ?
Nerva ne retrouva rien à y redire, pas plus qu'Umbriel. Un prêté pour un rendu lui convenait, surtout si chacun y trouvait son compte à la fin. Ils quittèrent la salle enfumée pour monter un escalier grinçant. Il débouchait sur un couloir si étroit qu'on ne pouvait pas mettre deux personnes côte à côte. Ils entrèrent dans la troisième chambre à droite. Austère, à l'image du restant de l'auberge, deux lits datant du siècle dernier occupaient la quasi-totalité de l'espace. Une cruche posée sur une chaise complétait le modeste mobilier.
- Voilà notre nid douillet pour la nuit ! Faites comme chez vous.
Nerva retira ses bottes, son sac et son manteau. Il se rendit compte qu'il sentait le fennec, comme le disait Kalam. Songer à son compagnon lui arracha un soupir. Il devait se ronger les sangs à cause de sa disparition soudaine et son père aussi. Une pointe de culpabilité se fraya un chemin dans son cœur alors que sa raison lui criait qu'il n'avait rien à se reprocher, que tout était la faute de ses absences inquiétantes.
Il se roula en boule sur son matelas trop fin, à peine rembourré avec de la paille et à l'odeur de moisi. Malgré son angoisse, il ferma l'œil rapidement. Il eut la sensation d'avoir dormi une poignée de minutes lorsqu'une main lui secoua l'épaule. Il cligna des paupières et son cœur fit un raté face à son double aux cheveux courts.
- Debout marmotte. On a du pain sur la planche.
Il se redressa en se remémorant les événements de la veille. Umbriel et Liorah discutaient à voix basse dans un coin de la pièce. Le dragon noir souriait avec douceur, chose assez rare pour qu'elle saute aux yeux de Nerva. Le jeune homme demanda :
- Par où est-ce qu'on commence ?
- Par le petit-déjeuner, répondit Meng Yi. On entreprend rien le ventre vide. Ensuite nous irons nous promener dans la rue rouge, c'est plus calme la journée.
Une grimace passa sur le visage de Nerva. La rue rouge...Il avait entendu des recrues en parler avant de se renseigner lui-même. Il s'agissait d'une longue allée située à la lisière des quartiers pauvres et modestes de Ronto, où des hommes et des femmes se livraient à la prostitution. Des établissements proposaient des corps pour tous les goûts et toutes les bourses. Si certains se lançaient dans ce métier de leur plein gré et poussé par la nécessité, d'autres étaient amenés là de force par des trafiquants d'êtres humains.
- Tu penses que ton amie est là ?
- C'est une certitude. Qui voudrait capturer une Valserye et se donner la peine de la transporter jusqu'ici si ce n'est pas pour la proposer comme esclave sexuelle ? Un pervers richissime ou un établissement exotique donnerait jusqu'à leur dernière pièce pour posséder une Valserye. Je suis sûre qu'elle est là-bas. Aujourd'hui nous allons glaner des informations et faire le tri des établissements susceptible de la retenir. Même s'il fait jour, prend garde à toi. Avec ton joli minois et ton corps tout élancé, des mains baladeuses vont sans doute essayer de se poser sur toi. Restons groupé quoi qu'il arrive. Si l'un de nous est séparé des autres, qu'il crie pour donner l'alerte. C'est bien clair ?
- Limpide, répondit Umbriel en reprenant son éternelle expression indéchiffrable.
Ils se vêtirent et descendirent dans la salle, plus déserte que la veille. La lumière crue du jour filtrait peu à travers les carreaux sales mais les rayons qui se déversaient dans la salle la rendaient encore plus miteuse. Elle soulignait les tâches sur le sol, la fragilité du mobilier. Meng Yi s'accouda au comptoir sans se soucier de la bière collante qui le maculait.
- Vous servez de quoi manger le matin ? demanda-t-elle à un jeune homme qui devait être le fils de la tenancière.
- Nous avons des restes de la veille, proposa ce dernier.
- Va pour les restes alors, approuva Meng Yi en déposant une poignée de pièces sur le comptoir.
Ils s'assirent pendant que le garçon s'éclipsait pour remplir des assiettes. Meng Yi s'affala à moitié sur sa chaise, les mains passées derrière la tête. Il n'émanait pas la moindre trace de noblesse de sa personne mais plutôt une force brute et insoumise.
- Alors, comment est ta vie chez les chevaliers dragons ? Est-ce qu'ils sont aussi horribles que les nobles d'Hangaï le prétendent ?
- J'ignore ce qui se dit au palais impérial mais les chevaliers dragons sont des gens aussi généreux que braves. Ils se soucient d'Amaris et déploient des efforts considérables pour préserver le monde. Je n'ai jamais eu à me plaindre et je n'ai manqué de rien.
- Je me doutais aussi que les puissants d'Hangaï déblatéraient un ramassis de conneries, rit Meng Yi. Tu sais, ça m'a fait un choc d'apprendre que j'avais un jumeau de sang : nos géniteurs s'étaient bien gardés de me le dire. Je suis contente qu'on puisse se rencontrer avant que le monde parte en vrille.
L'aveu de sa sœur le fit sourire. Lui aussi il l'appréciait déjà avec son petit côté brut de décoffrage et son perpétuel air de défi sur le visage. Elle paraissait inébranlable et pleine de confiance en elle. Le fils de la tenancière revint avec quatre assiettes en équilibre sur les bras. Elles contenaient une purée compacte et un morceau de jambon plus grillé que cuit. Nerva dévora sa portion à pleines dents, trop affamé pour jouer la fine bouche.
Ils s'éloignèrent de leur repaire délabré pour rejoindre la fameuse rue rouge, située à moins de cent mètres de l'auberge. Contrairement à ce qu'indiquait son nom, la rue n'avait rien de rouge. Elle ressemblait à toutes les autres si on ne s'attardait pas trop sur les façades des bâtiments ou les personnes qui déambulaient. Il s'agissait majoritairement de femmes mais Nerva vit aussi des hommes et, plus effroyable encore, des adolescents à peine sortis de l'enfance.
Meng Yi lui souffla :
- Ne les regarde pas avec trop d'insistance. Ils vont penser que tu es intéressé et nous coller aux basques.
Il obéit et riva ses yeux sur les établissements. Ils bordaient les deux côtés de la rue, pressés les uns contre les autres. Les rares ruelles sombres qui se frayaient un chemin entre deux édifices avaient des murs couverts de graffitis obscènes ou d'avis sur telle ou telle prostituée. Meng Yi prenait le temps de les lire un à un, en quête d'un indice sur son amie.
Le dégoût saisit Nerva. Il n'ignorait pas cette facette de l'humanité mais il ne comprenait pas le besoin des Hommes de soumettre des êtres innocents à leurs désirs pervers. Il imagina un instant Kalam, Willow ou Omphale dans un de ses établissements. A la place de sa jumelle, il serait anéanti. Comment arrivait-elle à garder son calme ?
Une main légère se posa en haut de son dos. Liorah lui adressa un regard plein de chaleur et de compassion. Il se sentit instantanément mieux et décida d'y mettre du sien pour seconder Meng Yi et retrouver sa camarade Valserye.
Une femme à la crinière de feu et aux lèvres vermeilles s'approcha d'eux pendant qu'ils examinaient les inscriptions. Seule une courte cape en fourrure qui s'arrêtait en bas de son dos la protégeait du froid. Le reste de ses vêtements se composaient de voiles légers violet et or qui ne cachaient pas grand-chose de sa féminité.
- Bonjour, vous chercher un peu de chaleur humaine ? demanda-t-elle en battant des cils. Je peux vous proposer bien des délices pour vous aider à oublier la cruauté de l'hiver...
Meng Yi tira une pièce de sa bourse et la tendit à la femme.
- Nous cherchons surtout des informations.
- A propos de quoi ? s'enquit la prostituée en saisissant la pièce.
- Nous sommes en quête d'exotisme. Enfin c'est plutôt mon frère qui aimerait un moment avec une femme inoubliable. Il est un peu coincé voyez-vous et j'aimerais qu'il découvre enfin le plaisir charnel. Vous ne connaissez pas un établissement qui propose des filles exotiques ? Des beautés rares et lointaines ? Peu importe le prix, je suis prête à payer cher pour que mon andouille de frère perde son pucelage.
Nerva, rouge comme une pivoine, eut envie de lui plaquer une main sur la bouche pour qu'elle se taise. La prostituée le jugea de la tête aux pieds avec un petit sourire moqueur.
- Notre établissement propose des femmes compétentes qui sauront faire de votre frère un homme accompli. La plupart sont originaires de Ronto et des alentours mais elles ont toutes été sélectionnées pour leur beauté et leurs aptitudes dans l'art du plaisir. Votre frère ne le regrettera pas s'il vient avec moi. Je serais même prête à lui faire payer un peu moins cher, beau comme il est. Mais si vous voulez vraiment une expérience inoubliable qui n'est pas à la portée de la première bourse venue, je peux vous conseiller les derniers établissements de la rue rouge. Ils proposent des femmes des quatre coins d'Amaris, des beautés rares qui ferraient tourner l'œil de n'importe quel homme. Malheureusement ce n'est pas à la portée des premiers venus. Il faut débourser si cher que vous gagneriez mieux à laisser votre frère venir avec moi. Il pourrait avoir deux femmes pour une journée entière dans notre établissement, contre une pour une petite heure à l'autre bout de la rue rouge.
Meng Yi fit mine de réfléchir puis répondit :
- Votre proposition est généreuse, nous allons y réfléchir. Où est votre établissement ?
- Juste en face, celui avec la porte violette. Il s'appelle Les rêves pourpres. Si vous entrez, demandez Lila.
Elle s'éloigna après un signe élégant de la main, d'une démarche chaloupée. Meng Yi flanqua un coup de coude dans les côtes de Nerva.
- Tu as une touche.
- Nous devrions aller faire un tour au fond de la rue rouge, dit-il pour détourner la conversation.
Sa jumelle pouffa mais n'insista pas. Les maisons closes au fond de la rue possédaient un côté plus prestigieux que les précédentes. Les façades blanches, propres et décorées par des mosaïques, des touches de couleur ou des voiles qui pendaient des fenêtres, inspiraient presque confiance. Des prostitués interpellaient les quelques passants de la rue avec des postures aguicheuses, exposant leur peau au froid de l'hiver.
Meng Yi se dirigea d'un bon pas vers un homme au corps svelte et au visage doux. Il devait avoir moins de vingt ans et venait sans aucun doute du sud d'Amaris, comme l'indiquait sa peau caramel et ses cheveux châtain foncé. La jeune femme déposa une pièce dans sa main et lui glissa :
- Je cherche de l'exotisme mon beau. Est-ce que tu sais où je peux trouver une femme fougueuse ? Peu importe le prix, je suis prête à payer très cher et j'en ai les moyens.
- Vous frappez à la bonne porte : nous proposons de quoi satisfaire tous les goûts. Nous avons une très belle Lanka, assez téméraire et qui ne refusera rien de ce que vous voudrez lui faire.
- Non, j'avais envie d'une femme du nord. Après tout nous sommes à Ronto, pas à Gasca ! Vous n'auriez pas une fille d'une de ces tribus sauvages des terres gelées ? J'ai entendu dire qu'elles étaient sacrément voraces et sauvages.
- Nous n'avons pas une telle perle parmi nous, j'en suis navré. En revanche, l'établissement en face du nôtre possède une merveille qui conviendrait à ce que vous cherchez. Elle est arrivée il y a peu, directement de la pointe nord du continent, de la tribu la plus sauvage des terres gelées. Elle est unique.
- Vous voulez parler...d'une Valserye ? questionna Meng Yi avec une excitation palpable.
- Oui, une guerrière du nord. C'est la plus chère de toute la rue rouge, je doute que vous puissiez vous permettre ne serait-ce qu'une heure avec elle. Et si vous aviez l'argent nécessaire, ce serait à vos risques et périls. On raconte que le dernier qui est entré dans sa chambre est sorti les deux pieds devant.
- C'est exactement ce que je cherche ! s'enthousiasma Meng Yi. Merci pour votre aide précieuse !
- Revenez me voir si vous n'êtes pas de taille face à cette sauvageonne. J'accepte les femmes comme les hommes.
Il posa un regard de braise sur Nerva, de marbre. Sa jumelle l'attrapa par le poignet et le tira en face. Elle ouvrit la porte de la maison close désignée par le jeune homme sans une once d'hésitation. Nerva n'eut pas le temps d'exprimer la moindre réticence. Il se retrouva les deux pieds au centre d'une salle surchauffée. Un grand feu brûlait dans une cheminée autour de laquelle des canapés moelleux formaient un U.
Des femmes et des hommes en tenue légère avec des pichets en verre remplis d'alcool circulaient devant les clients assis qui tendaient leur verre tout en observant les serveurs ou serveuses. Une femme d'une soixantaine d'années se planta face à eux. Elle avait sans doute été belle dans sa jeunesse mais aujourd'hui des rides sillonnaient sa peau et des mèches grises parsemées de blanc striaient sa chevelure.
- Que puis-je pour vous jeunes gens ?
- Je suis en quête d'exotisme, dit Meng Yi en retirant sa bourse de sa ceinture.
Elle l'ouvrit face à la vieille femme et souffla :
- Je vous donnerais jusqu'à la dernière pièce si vous me conduisez à la plus exotique de vos filles. Je cherche des sensations fortes, une expérience inoubliable. J'ai entendu dire que vous aviez ça.
Une lueur de cupidité s'alluma dans le regard de la femme. La somme coquette contenue dans la bourse attirait ses yeux pleins de convoitise. Elle déclara avec un ton brusquement plus chaleureux :
- Vous frappez à la bonne porte. Notre possédons une femme qui correspond à vos attentes, aussi sauvage que le nord lui-même. Elle vient tout droit de la terrible tribu des Valseryes, la ramener à Ronto a coûté la vie à trois hommes. Elle est indomptable, personne n'a réussi à la posséder alors c'est à vos risques et périls.
- C'est elle que je veux, insista Meng Yi. Je n'aime pas quand c'est facile et je veux en avoir pour mon argent. Prenez soin de mes amis pendant que je fais ma petite affaire.
- Tout ce que vous désirez mademoiselle. La chambre de la Valserye est en haut de l'escalier, au fond du couloir. Elle est enchaînée mais méfiez-vous : ça la rend d'autant plus dangereuse. N'hésitez pas à hurler si votre vie est en danger : le confort de nos clients passe avant tout.
- Vous êtes trop aimable, déclara Meng Yi sans dissimuler son sarcasme.
Elle monta les escaliers quatre à quatre, victorieuse. La vieille femme guida le restant du groupe vers les canapés, à des places encore libres. Une nuée de courtisans et courtisanes se rua sur eux comme un essaim de guêpes sur une pêche gorgée de sucre. On déposa des verres en cristal entre leurs mains. Une femme plantureuse se pencha vers Nerva et susurra :
- Vous désirez quelque chose en particulier ? Nous avons de quoi répondre à la moindre de vos attentes...
- Je euh...Vous avez de l'eau ? bafouilla-t-il.
Elle éclata d'un rire un peu forcé en plaquant une main aux ongles peints sur sa poitrine généreuse. Elle s'esquiva et revint avec un pichet d'eau clair qu'elle versa dans son verre.
- Voilà. Mettez-vous à l'aise, profitez du moment. Je peux vous servir, quoique vous demandiez...
Les insinuations à peine voilées mirent Nerva mal à l'aise. Il étouffait dans cette salle surchauffée où régnait une légère odeur de luxure et de parfum bon marché. Liorah et Umbriel, assis côte à côté, conversaient le plus naturellement du monde avec une homme et une femme moins envahissants que la prostituée qui le collait.
Il se leva brusquement, la gorge nouée.
- Je dois prendre l'air.
Il se rua dehors, dans la rue rouge. Le vent froid du nord chassa la chaleur infernale et les senteurs entêtantes. Il ne supportait plus cette fausse manifestation de joie, cet étalage de viande humaine, ces regards éteints derrière les faux sourires. Il frôlait les aspects les plus sombres de l'humanité et cela lui donnait la nausée.
Il se rassura en se disant qu'il partirait bientôt, qu'il retrouverait Kalam.
- Nerva ? l'appela une voix étonnée dans son dos.

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Chevalier dragon, tome 4 : La guerre d'Amaris
FantasyDepuis la disparition de Lysange, Aymeric n'a qu'une idée en tête : la retrouver. Cela l'amènera à coopérer avec une vieille connaissance afin d'infiltrer le repaire du dragon rouge et sauver sa compagne. Cependant le temps presse et la fin du monde...