Chapitre 3 : Sur les traces des assassins

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- Pardon ? s'étonna l'assassin.
- Tu vas m'accompagner là-bas et m'aider à localiser le palais de verre. Et si nous ne le trouvons pas alors tu me mèneras à une autre cachette du dragon sanglant et ainsi de suite jusqu'à ce que Lysange retrouve sa place parmi nous. À ce moment-là, et seulement à ce moment-là, je te libérerais. Compris ?
Zolan grimaça puis opina du chef.
- D'accord. Je préfère chercher ta petite femme plutôt que de moisir dans cette prison sordide. Tu ne sais pas ce que je donnerais pour revoir un morceau de ciel bleu.
- Très bien, nous te ferons sortir demain soir, quand nous partirons.
- Quoi ? Pas maintenant ? Hé Aymeric, ne pars pas comme ça ! Reviens !
Le chevalier dragon l'ignora et regagna la surface, presque satisfait de sa petite manipulation. Comme prévu il dîna en compagnie du roi et, pour la première fois depuis longtemps, il dormit bien. Il se promena dans les jardins royaux le lendemain, pour réfléchir à leur future expédition dans le sud et à la meilleure manière de gérer Zolan.
Il aperçut son jumeau et Ourania qui prenaient l'air eux aussi, parmi les allées bien entretenues. La petite dragonne, qui prenait appui sur le bras d'Hydronoé pour moins se fatiguer, affichait un visage serein malgré l'affreux accord qu'elle avait conclu la veille. Ils extirpèrent Zolan de sa cellule dès la tombée de la nuit.
L'assassin prit une grande inspiration et adressa un sourire narquois au garde qui lui retira ses chaînes.
- En espérant ne jamais vous revoir ! lui lança-t-il.
- En route, ordonna Aymeric en roulant les yeux au ciel.
Zolan obéit avec un soupir agacé.
- Déride toi Aymeric, tu vas vieillir prématurément sinon. Bien, où est-ce qu'on va ? Dans votre fameux château ?
- Je ne m'étonne même pas que tu le connaisses. On dirait que les assassins ont des yeux et des oreilles partout.
- Tu n'as pas idée.
Zolan ne broncha même pas en découvrant Hydronoé et Ourania sous leur forme originelle. Étonnamment, le voyage en sa compagnie se déroula bien. Il n'essaya pas de s'enfuir ou de causer des problèmes durant le trajet. Au contraire, il aida à dresser le campement ou à préparer les repas, silencieux et efficace. Il faut dire qu'Ourania le surveillait assidûment alors il ne risquait pas de commettre le moindre faux pas. À peine arrivé au château des gardes, leurs compagnons se précipitèrent à leur rencontre. La présence de Zolan doucha leur enthousiasme et ils affichèrent tous la même expression méfiante teintée de suspicion.
- Qui est-ce ? s'enquit Alaman en le détaillant de la tête aux pieds.
- Zolan, répondit laconiquement le demi-dieu.
Le silence glacial qui s'installa ne l'étonna pas. Personne n'ignorait qui était Zolan ou ce qu'il avait fait.
- Il va rester parmi nous quelques temps, pour nous seconder dans nos recherches. J'ai d'ailleurs de bonnes nouvelles à ce sujet dont je vais vous toucher un mot dans la salle du conseil d'ici quelques minutes.
Ses amis comprirent le message implicite et regagnèrent le château.
- Quel accueil chaleureux, se moqua Zolan.
- C'est entièrement ta faute. Ce soir tu dormiras dans ma chambre. Nous partirons pour les terres ressuscitées demain, avec la nuit. Pendant que je vais éclaircir quelques points cruciaux avec ma garde, tu resteras sous la surveillance d'Ourania comme tu l'apprécies tellement.
L'assassin ne protesta pas, presque blasé. Aymeric rejoignit ses compagnons d'armes dans la salle du conseil et les langues se déchaînèrent aussitôt.
- Tu ne vas pas laisser ce meurtrier nous accompagner ? s'indigna Lisbeth.
- Il a déjà essayé de te tuer deux fois et il a éliminé Hydronoé de sang-froid lors de la première tentative, ajouta Gébald.
- Il va nous trahir dès qu'il le pourra, c'est sûr ! affirma Firenza.
Il les laissa patiemment exprimer leurs inquiétudes. Dès qu'ils ne dirent plus rien, il s'installa sur un des sièges et déclara :
- Vos inquiétudes sont fondées mais nous avons besoin de Zolan. Il me faut toute votre attention et votre soutien : nous allons organiser une nouvelle expédition pour secourir Lysange et cette fois sera la bonne.
Le reste de la journée passa en un clin d'œil à cause des préparatifs. Aymeric distribua des consignes et prêta main forte à ses compagnons pour tout organiser. Zolan se proposa de lui-même pour les seconder, sans doute car il s'ennuyait à mourir, mais personne n'accepta son aide, sauf Ourania et Zachary. Tout était prêt avant le repas du soir.
L'assassin s'éclipsa à ce moment-là en faussant habilement compagnie à Ourania et ne refit surface que lorsque Aymeric s'apprêtait à retourner le château de fond en comble pour remettre la main sur lui. Quand il lui demanda où il était passé, Zolan répondit dans un haussement d'épaules qu'il avait chapardé à manger dans les cuisines avant de déguster son butin derrière l'écurie.
- Je n'aime pas vos repas communs, c'est trop bruyant.
C'était plus bruyant dans le passé quand nous mangions avec les petits qui se chamaillaient et qui piaillaient dans tous les sens, se dit le chevalier dragon dans son for intérieur. Il fit signe à l'assassin de le suivre et installa un vieux matelas avec un oreiller et une couverture sur le sol de sa chambre. Il tenait à garder Zolan à l'œil pour qu'il ne prenne pas la clé des champs en pleine nuit. L'assassin fit le tour du propriétaire sans perdre sa grimace moqueuse.
- Charmant ta petite chambre. On voit que tu n'as manqué de rien.
- Arrête de fouiller partout et dors.
Comme Zolan ne répondait rien, Aymeric pivota vers lui en se demandant ce qu'il trafiquait encore. L'assassin se tenait devant une étagère, face aux statuettes de bois peintes à l'effigie des dieux primordiaux.
- Tu les as toujours, constata-t-il.
- Comment pourrais-je m'en séparer ? Je les adore.
- Je me souviens de les avoir taillés comme si c'était hier. Mais je suppose que tu les as gardés parce que les petits les ont peintes plutôt que parce que je les avais sculptés, pas vrai ?
- Non, pour les deux. Je n'ai jamais jeté un seul cadeau de l'ancien Zolan.
Aymeric tira la cordelette autour de son cou pour extirper son pendentif en forme de corbeau. Zolan l'imita et lui montra son dragon avant de l'examiner pensivement.
- Tu lui ressembles, lança-t-il. Comment est-ce que tu as eu des ailes, des griffes et tout le tralala ?
- Héritage de la part de ma mère, répondit le demi-dieu.
- Ta mère ? Tu connais son identité ? Même le dragon sanglant l'ignorait, ça le faisait enrager. Il a remué ciel et terre sans obtenir le moindre indice sur elle, ce qui est assez stupéfiant quand on connait l'étendue de son réseau et sa ténacité lorsqu'il s'agit de collecter des informations.
- C'est normal, elle ne se montre pas facilement. C'est une femme importante.
- Une noble ?
- Bien plus que ça.
Aymeric attrapa la statuette représentant Praeslia et la plaça à côté de son visage.
- Tu ne vois pas un air de ressemblance ?
- Soit tu te paies ma tête, soit tu es fou. Et je préfère que tu te paies ma tête.
- Libre à toi de me croire ou non. Maintenant dormons. Nous avons un long voyage qui nous attend et qui nous laissera tout le temps que nous voulons pour parler.

Chevalier dragon, tome 4 : La guerre d'AmarisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant