Chapitre 39

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 — C'est bien moi, sourit ce dernier.

Mais... C'est Will Spark. Celui qui a créé les flammes lors de l'Attribution, l'homme qui calcule la pleine lune, qui concocte des potions. Comment se fait-il que ce soit lui ?

— Vous m'attendiez ?

La probabilité que je tombe sur son bout de papier était minime.

Sans se départir de son sourire, l'homme aux cheveux grisonnant entre dans le cabanon. Sa légère barbe de trois jours le rend sympathique, autant que ses fossettes creusées par sa bonne humeur. Il y a un quelque chose chez lui d'inattendu, impossible de mettre le doigt dessus.

— Effectivement.

— Comment connaissez-vous mon nom ?

Il me dévisage de ses yeux rieurs, pétillants de malice, comme si la situation l'amusait beaucoup.

Je trouve ma question pertinente. Après tout, c'est logique que je sache le sien, mais l'inverse ?

— Emelyne... tu te doutes bien que tu n'es pas ce qu'on pourrait appeler une « personne inconnue ». Ton histoire est plutôt répandue par ici.

Son calme est à tout épreuve. Son expression n'a pas changé d'un iota. Il n'a pas peur d'énoncer la vérité et d'en affronter les conséquences. Rien que pour cette raison, je l'apprécie.

Je lui rends son sourire.

— Vous avez raison.

La curiosité me ronge, me grignote à petit feu, impatiente de se propager ailleurs, hors de se corps. J'ose, car il faut oser. C'est une personnalité ouverte. Je ne pense pas qu'il empêche qui que ce soit de s'exprimer.

— Je peux vous poser une question ? Demandé-je, et sans attendre sa réaction j'enchaîne. Pourquoi avoir jeter votre annonce par terre, sans vous soucier qu'elle soit visible ?

Il met de l'ordre dans ses affaires, à la recherche d'une chose qui m'échappe.

Un petit chat saute sur son épaule. Il miaule contre son oreille, tout en frottant son pelage gris sur le visage de son maître. Sa bouille adorable se tourne vers moi. Jai le loisir de contempler ses yeux verts d'eau se plisser à mon encontre. Ils sont si rares par ici.

— Excellente remarque, petite. Alors, d'après toi, qui a-t-il de pire qu'une personne qui s'intéresse à ce que tu fais par obligation ? Qui vient parce qu'elle n'a pas le choix ? Qui pénètre dans ton intimité sans même être curieux de ta passion ? Rien. C'est pour cette raison que je mets deux/trois affiches par-ci par-là, très mal indiquée. Seul les plus curieux viendront se rendre ici. Et ça fait vingt ans que je ne me suis pas présenté, j'ai voulu innover. Toi, Emelyne Taylor, tu as été assez curieuse pour venir.

Je comprends tout à fait son point de vue, mais ne pourrait-il pas être plus précis, je ne sais pas moi, comme indiquer son activité ? Pourquoi attendre vingt ans pour revenir comme employeur ?

— En toute honnêteté, je pensais que c'était un canular, avoué-je.

De nouveau se petit sourire en coin.

— Hmm..., hésité-je en entortillant mes doigts, car le formuler est assez maladroit, en quoi consiste votre travail ?

Il rit à gorge déployée.

— Arrête de penser que je suis un sorcier. Pour ce que je vais te montrer... mystère.

Il s'arrête deux secondes dans sa folle frénésie pour me regarder.

— Je reviens dans onze secondes. Douze, si je m'attarde.

— D'accord, murmuré-je.

Où allez-vous ? Ai-je envie de demander, mais je m'abstiens. La curiosité, c'est bien, mais je ne veux pas qu'il se sente agressé.

The Alfe Wars [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant