Chapitre 22

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Samuel tente de retenir Romain, mais le brun se relève, les poings serrés le long du corps. Personne ne prend part à ce qu'il se passe. Seuls ceux du groupe semblent avoir conscience du drame qu'il est sur le point de se produire.

Romain doute de l'honnêteté de son frère. Il a peur de l'avoir perdu pour de bon, qu'il soit devenu ce qu'il redoutait tant. Cet acte est la goûte d'eau qui fait déborder le vase. Toute l'accumulation de tristesse depuis notre enfance va le faire exploser.

Il a toujours été protecteur avec moi. Il passait son temps à adresser des sourires édentés au inconnus mais dès qu'une personne était un peu sèche avec moi, il lui lançait des regards noirs. Aujourd'hui, c'est un peu la même chose. Sauf qu'il fait les frais du comportement de Lucas depuis trop longtemps.

Défait de ses entraves, il se dirige vers son frère. Ses pieds martèlent le sol, son dos est raide de colère. J'ai de la chance que Lucas se trouve à l'opposé du banc où ils sont installés.

La nature de Lucas pousse Romain à devenir quelqu'un qu'il n'est pas en temps normal : violent.

Je fais un pas automatique, figée par l'angoisse. Il ne doit pas frapper son frère. Ce serait devenir comme lui.

Je me précipite vers mon meilleur ami pour l'arrêter avant qu'il ne soit trop tard. Je lui bloque le passage, une main sur l'une de ses larges épaules.

— Il ne l'a pas fait exprès. Il s'est excusé, Romain, ne fais pas ça, le supplié-je.

Il consent à s'arrêter pour me faire face. Il irradie de colère mais une lueur d'incertitude apparaît dans ses yeux.

— Tu es sûre que ce n'était pas intentionnel ? Parce que, le connaissant...

Il se fige. Un long soupire lui échappe, me rendant à la triste et désolée pour lui. Je suis tiraillée par l'envie de l'éloigner du centre de la Place. Il ne manquerait plus que tout le monde soit au courant. Lucas est peut-être un imbécile mais il ne mérite pas ça.

— Je ne sais même pas ce que j'allais dire. Le connaissant ? Je ne le connais pas. Je ne sais pas non plus comment il réagit au quotidien, puisqu'il ne parle jamais.

— Ça arrive, tu sais. Ce n'est pas grave.

Il est différent.

— Ça l'est, ne dis pas le contraire.

— Mais je vais bien ! Je n'ai pas de séquelles.

— Tu sais très bien de quoi je parle.

— Non, je ne sais pas ! Je n'ai rien, où est le problème ?

Il prend une grande inspiration, ses muscles se détendent enfin.

Le problème, vois-tu, c'est qu'on ne sait pas si ça se reproduira. C'est mon frère et je ne saurai même pas dire s'il est digne de confiance, tu te rends compte ? Ce n'est pas normal.

— Calme-toi, tu es en colère. Tu dramatises trop.

C'est drôle venant de moi, alors que je suspectais Lucas de vouloir me tuer pour une vengeance. Il n'apprécie sûrement pas que je m'obstine à vouloir le sortir de sa solitude, mais vouloir me tuer, c'est un peu extrême ?

— C'est toi qui ne veux pas regarder la vérité en face. Il est mauvais.

— Non, il est seul. C'est différent.

— Il est seul, parce qu'il refuse qu'on l'approche !

Ses yeux brillent. Mes bras pendent le long de mon corps, vidés de leur énergie. Je fais un pas pour le serrer enfin contre moi. Il me rend mon étreinte avec force, je m'envole presque. Je ne veux pas m'appesantir plus sur le sujet, nous connaissons la réponse à cette phrase. La chose qui nous ferait le plus de bien, ça serait de retourner vers nos amis pour nous vider la tête. Je ne comprends pas comment une petite perte de conscience a pu nous mener à cette situation.

The Alfe Wars [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant