Chapitre 46

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Nous nous fixons, interdits.

Comment est-ce possible ? J'ai l'impression que mes jambes vont chanceler si je me lève, pourtant, quand je m'exécute, je ne ressens rien. Rien ne tourne, les arbres sont à leur place, bien plus longs que mon espérance de vie. Tout va bien.

— Mais..., commencé-je, avant de me rendre compte que je n'ai rien a dire.

Franchement, qui aurait cru que le fils d'un exilé il y a cent cinquante ans de cela vivrait parmi nous ?

— Oui, c'est le cas, je suis son fils, déclare-t-il froidement. Et ça ne doit pas se savoir. En aucun cas.

Depuis que nous sommes assis devant la grotte, Will s'est refermé. À l'évocation de son père, il est même devenu hermétique.

Comment a-t-il fait pour réussir à pénétrer dans la communauté s'il est l'enfant de Evan Spark ? Personne n'a tilté à l'entente de son nom de famille ? Qui est sa mère ? Une Alfe de l'Ombre si j'en crois le côté sombre de sa prunelle. Ça veut dire que je ne me trompais pas, Evan a bien rejoint nos ennemis. Il a même fondé une famille avec l'un deux.

— Vous travaillez pour eux ?

Il relève la tête, les yeux plissés par l'incompréhension. Cette conversation est trop étrange.

— Emelyne, pense-tu vraiment que je te le dirais même si c'était le cas ? Tu m'as avoué que tu les haïssais de tout ton cœur. A la seconde où quelqu'un t'avouerait sa déloyauté, tu t'empresserais de le dénoncer et d'assister à sa déchéance avec délectation. Je me trompe ? murmure-t-il, avec une impassibilité frôlant la froideur.

Je ne réponds rien, blessée par ses paroles. Comment peut-il penser une chose pareille ? Je le considère comme un ami, bien que la différence d'âge soit flagrante. Jamais je ne dénoncerai un ami. Je n'ai pas dénoncé Lucas, ni Théo – qui ne l'a pas fait non plus avec Ella, et Will est l'une des personnes les plus gentilles, plus intelligentes, et bonnes que je connaisse. Même si je voulais, je ne pourrais pas. Il est formidable, il ne mériterait pas un tel sort. A moins que je me sois trompée sur son compte ?

— Je ne le ferai jamais, jamais, jamais, psalmodié-je en secouant la tête en désespoir de cause.

Ma voix s'éteint au fur et à mesure de ma tirade.

Il ne le dit pas, mais la vérité résonne entre nous dans un silence insupportable. Il est bien un « traître », mais je le suis également en refusant de faire ce dont il m'accuse. Tous ces gens qui sont au final des espions. Je commence à douter du terme « traître », des frontière entre le bien et le mal, et en qui ma confiance doit aller. J'ai l'impression que tout est devant moi, mais que je ne saisis rien. Si même le plus ouvert d'entre nous rejoint la cause des Alfes de l'Ombre, c'est qu'il doit bien y avoir une raison, non ? Si ma sœur, une crème, est allée de l'autre côté de la barrière, ce n'est pas pour rien, n'est-ce pas ? Qui est bon, qui est mauvais ?

Après tout, peut-être ne s'agit-il que d'une question d'éducation. Mais en raisonnant ainsi, il aurait vu depuis le temps qu'il vit ici que nous ne sommes pas ce que les Alfes de l'Ombre ont du dépeindre sur notre compte ?

— Pourquoi être de leur côté ? Qu'on-t-il de mieux que nous ? demandé-je en vidant ce qu'il me reste d'énergie.

— Je ne suis pas de « leur côté » comme tu l'as si bien dit, Emelyne. Il est vrai que je suis le fruit de l'amour entre deux âmes sensées être opposées, mais tu vois ? Suis-je destruction, désolation et haine ? C'est une idée absurde répandue dans nos contrées. Je veux que tu me jures que tu ne révéleras rien à personne, que tout ceci restera entre toi et moi.

The Alfe Wars [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant