Chapitre 37

4 2 0
                                    

Je fixe mon professeur. Il continu de déblatérer, inconscient de mon trouble.

J'ai envie de hurler. Des jurons s'échappent de ma bouche tandis que je donne un coup pied dans le sol. Je croyais que ça ne devait pas me concerner ?

Ma colère est dirigée vers le monde entier. Vers Lucas pour m'avoir raconté des salades, ma sœur, de m'avoir laissée, mes parents pour ne pas être là – ce qui est tout à fait absurde car c'est moi qui les ai laissés sans prévenir, et enfin, Théo pour m'infliger ça.

Je hais cette Attribution ! J'ai tout donné pour être acceptée, pour avoir une place de choix et venger ma sœur. Mais non, il faut que cet imbécile m'en veuille et me prive de ce que je voulais le plus. Être Sélectionnée. Je suis dégoûtée.

En dix ans d'existence, jamais personne n'a été éliminé avant le Tri. Il faut une première fois à tout, à ce qu'il paraît.

Avant même que Théo ait fini son monologue, je m'éloigne le plus loin possible de lui. Je recule sous le regard inquiet de ma copine et l'indifférence  que la foule porte à mon égard. C'est vrai après tout. Je suis persuadée que personne n'a remarqué que je m'enfuyais. 

Je fuis. Pour ne pas affronter mes problèmes.

Je ne tremble plus de rage, mais de frustration et de désarrois. C'est cruel.

Louna tente de me rattraper, mais je ne veux pas qu'elle me voit pleurer. De longues rigoles dévalent mes joues pour laisser une trainée brulante et salée là où elles passent. J'ai envie de crier mais ma gorge me tiraille. Je suis prise au piège car je ne peux rien dire à part... que c'est injuste ? Je ne veux même pas aller le voir pour lui demander des explications. C'est trop dur.

je zigzague entre les gens, galvanisés par le spectacle. Je passe derrière un homme qui tient sa fille avec une fierté toute paternelle. Ce soir, je n'aurai pas droit au même regard qu'il pose sur elle. 

La sortie apparait devant moi, je peux enfin voir le début de la nuit, comme je peux sentir les ennuis arrivés. J'essuie mes joues d'un geste rageur. Pas question de revenir ici. 

Romain attrape ma manche humide de pleurs avec toute la douceur dont il est capable, pour poser son beau regard vert sur les miens, vitreux. Belle représentation de ma vie. Je ne suis que le pâle reflet de tous mes amis, déformé, brisé.

J'en fais des tonnes, je le sais, mais pourquoi  ? En fait, je n'ai même pas envie de comprendre.

un sanglot manque de sortir de mes lèvres.

Je le fixe, incapable de parler. Il est habillé dans un élégant t-shirt gris ainsi qu'un pantalon en jean noir. Il me dévisage. Son expression n'est que compassion et désolément. Elle brise un peu plus mon cœur. Romain sait ce que ça représentait pour moi. 

Je me jette sur lui, l'emprisonnant dans mes maigres bras. J'enfonce mon visage contre son torse. Je devrai le lâcher pour ne pas le tâcher, mais je ne fais rien. J'espère que ça ne le dérange pas. Je n'en ai ni la force, ni l'envie.

Il se baisse pour entourer mes omoplates. Nous sommes à genoux, les bras entremêlés et nos corps enchevêtrés dans une posture qui nous donnera mal au dos demain. Mais je m'en fiche. Parce que je suis avec lui. Je renifle. Il colle mon visage contre son cou, d'une pression de sa main sur ma nuque. Je ne peux m'empêcher de respirer son odore si familière, inqualifiable et merveilleuse. Elle me donne des sensations incroyables dans le ventre. La présence de Romain à elle seule me remonte le moral.

Il ne dit rien, parce que nous savons tous les deux que les mots sont inutiles.

***

Ça fait un petit moment que je suis restée là, par terre. Romain est assis à côté de moi, dos au tronc. Il est gêné. Il cherche ses mots, sans y parvenir, comme on cherche quelque chose auquel se raccrocher, en vain.

The Alfe Wars [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant