Chapitre 27

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 Je chute comme une pierre. Mes cheveux se dressent sur mon crâne. Je sens mes joues monter tandis que mon corps se prépare à s'écraser contre une surface dure. Je vais mourir.

Une mélasse poisseuse percute mon visage transpirant. Le choc est violent. Je ne n'arrive pas à me relever, mes jambes ne peuvent plus me porter. Inutile de demander de l'aide à mes bras, ils sont hors d'usage pour le restant de ma vie. Comme mon cerveau, en somme. Il vient de décider que c'était trop de boulot d'ordonner les pires bêtises de tous les environs.

Après tout, je me suis condamnée.

Une main, de toute la délicatesse dont elle est capable, presse mes doigts, un part un. Elle la saisit. Je m'y accroche comme si ma vie en dépendait, et c'est le cas non ? Je n'aurai plus l'occasion de venger ma sœur grâce au Choix, mais comme j'y ai déjà renoncé... Sur le coup, je pensais que c'était ce que je voulais. Je ne sais pas ; je ne sais plus. Mon père sera heureux, lui, que je n'ai plus aucune chance d'être choisie pour l'Élite. Je ne sais même pas pourquoi je pense à ça maintenant.

La mystérieuse personne me relève sans difficulté. Mes jambes chancellent. Ma vue se trouble à cause d'une puissante migraine. Je m'écroule sur l'inconnu, que j'identifie immédiatement comme mon père. Papa. Celui qui n'a pas empêché le maire de causer la douleur que ressentent en ce moment mes camarades. Et tous mes muscles accessoirement. Malgré tout, je n'ai jamais été aussi contente de me tenir dans ses bras. On y est en sécurité. Son odeur est la plus rassurante que je connaisse. Je pleure, tentant de cacher tant bien que mal mes sanglots, mais il n'est pas dupe. Je le couvre de crottins mais je m'en moque.

— C'est fini ma puce, on rentre maintenant. Tu t'es bien battue, me rassure-t-il en embrassant ma tempe.
Je sais au plus profond de moi qu'il n'aurait rien pu faire, à part risquer d'être exilé. Même en sachant cela, j'ai mal au cœur. Je ne lui en veux pas, mais la douleur est présente. Parfois j'aimerai désactiver mes émotions, être une coquille vide qui marcherait sans but, sans peur, sans passé.

Ma mère nous rejoint dès qu'elle nous aperçoit. Étant donné les regards assassins qu'elle lance à Théo, je vois qu'elle est en colère. Non, ce mot est trop faible ; furieuse, conviendrait mieux. Elle se jette sur moi. Nous n'avons jamais autant pleuré ensemble, à part peut-être une fois.

Quelqu'un interrompt notre étreinte d'une voix froide et méprisante. Daniel Crawn.

— Vu vos piètres résultats dans cet exercice, je vous préconiserai vivement de trouver un stage intéressant. Nous avons été clairs. Mauvaise performance égal maigre chance d'être recruté.

— Je vous remercie pour vos conseils avisés, monsieur, déclaré-je d'une voix plus froide que son cœur, si c'est possible.

C'est à peine si mon père lui rentre dedans quand il passe. Ils me feraient presque peur, mais je sais qu'ils vivent aussi mal que moi la situation. J'ai envie que mes amis tiennent, mais j'ai bien plus envie qu'ils ne se bousillent pas. Je les laisse décider.

Au loin, j'entends un « splash », suivi de sanglots. Je ne me retourne pas. Je ne veux pas savoir qui vient de prendre ma place.

Je passe la porte en ayant l'impression d'avoir mille ans.

*                 *

*

Tu vois la Lune ? me presse ma sœur.

Je penche la tête vers le ciel étoilé. C'est magnifique. C'est comme quand Romain projette de la peinture sur mes vêtements, même si Maman n'est pas contente après. Elle brille si fort ce soir !

The Alfe Wars [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant