The Alfe Wars [terminée]

Chapitre 21

Le sol spongieux est très désagréable. Mon dos me fait souffrir le martyr. Mon cerveau est embrumé, mais ça n'empêche pas la compréhension se frayer un chemin entre les méandres de mes pensées.

— Mon cou...

Mes pieds ont été relevé, tenus par une personne non-identifiée. J'aimerai bien savoir pourquoi, mais ça n'en vaut sûrement pas la peine.

— Elle se réveille monsieur !

Le cri me fait sursauter. Je hurle de frayeur en tentant de me décaler de la source de cette odeur pestilentielle. Une haleine, rance. Merveilleux.

— Super, soupire Théo de soulagement.

Je reconnais sa voix pour avoir rêvé de lui des années durant.

— Tu aurais dû faire attention, Lucas, reprend-t-il.

J'ai une envie subite d'enfoncer mon poing dans le plexus du détenteur de ce nom. Il aurait dû faire attention. Il aurait surtout dû s'abstenir de me tuer par inadvertance, peut-être même qu'il l'a fait exprès.

— Je me suis évanouie combien de temps ?

— Pas longtemps. Heureusement que je faisais une ronde. J'ai vu ta tête devenir cramoisie, et je doute que ce soit dû à ton partenaire, vu comment tu le regardes.

Je jette un coup d'œil au blond qui a la décence de baisser les yeux.

Et si ce n'était qu'un accident après tout ? Il n'est pas mauvais, au fond. Peut-être perdu, asocial, antipathique et égoïste, mais pas méchant.

La liste de ses qualités contre celles de ses défauts ne joue pas en sa faveur, mais je maintiens ma position.

— Ce n'est pas grave, je vais bien, soufflé-je.

— Emelyne, tu t'es évanouie. Tu devrais faire attention. Et toi, grogne-t-il en direction de Lucas, on va éviter les étranglements. Tant que tu seras aussi étourdi, du moins.

— Votre réaction est disproportionnée. S'il ne s'agissait pas d'une fille que vous connaissez depuis son enfance, vous ne m'auriez pas interdit de pratiquer cet exercice. C'était un simple accident. Ce n'est pas grave, elle n'aura pas de séquelle.

A la place de Théo, je lui hurlerai dessus pour lui rappeler à qui il s'adresse et les raisons de cette interdiction. Mais Théo étant ce qu'il est, jamais il ne réagirait comme moi. Ce sont des qualités que j'admire beaucoup chez lui : la patience, la pédagogie et la subtilité. Là où je démarrerai au quart de tour, il tournerait la situation de façon à ce que la personne se remette en question, de manière modérée. Je ne suis pas surprise quand il déclare :

— Premièrement, tu l'as blessée, tu devrais t'excuser, ça me semble être la moindre des choses, tu ne crois pas ? Emelyne est mon élève au même titre que tu l'es, mes sentiments n'ont rien avoir avec ce que je t'ai dit. En étant dispersé, tu mets en danger autrui. Oui, je la connaissais avant qu'elle ne soit Rouge, mais qu'est-ce que cela change ? Je sais juste quel est son caractère, comme je découvre le tien aujourd'hui.

Ses sentiments ? Je suis heureuse qu'il tienne à moi, que ces années n'aient pas effacé l'affection qu'il me portait avant. Un poids se libère de mes épaules.

Lucas répond à ses questions – que je supposais rhétorique – sans broncher :

— J'aurai dû m'excuser, c'est vrai, concède-t-il en se tournant vers moi. Je m'excuse. Vos sentiments ont beaucoup à voir, je suis sûr que vous le savez. Pour tout vous dire, je ne pensais pas qu'elle étouffait, mais...