Chapitre 35

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A peine arrivée chez moi, je m'affale contre la porte d'entrée, hésitant à entrer. Si mes parents me voyaient ainsi, que penseraient-ils ?

Je respire à plein nez pour tenter de me calmer. Mes expressions ont toujours été apparentes et faciles à décrypter, comme l'alphabet. Lucas est une écriture inconnue dont je peine à saisir le sens. Mais avec de l'entraînement, j'en saisi quelques bribes.

La porte pivote sous mes doits nerveux, encore éprouvés par le retour.

— Coucou ma chérie, déjà rentrée ?

Que dire ? J'ai envie de m'enfermer dans ma chambre et en même temps, me confier à quelqu'un me parait une excellente idée.

Je foule l'entrée de mes pieds sales, en quête d'une excuse. Mon foyer est ma coquille. Ces murs clairs étriqués, cette chaleur familière, mes parents, tous ces souvenirs... j'ai l'impression que cette maison est hors du temps, qu'elle me protège de l'extérieur. Je fais une pause avec moi-même ici. Les ennuis ne m'atteignent pas. C'est mon cocon. Et ma chambre restera ma forteresse.

— Oui... dis-je en tortillant mes cheveux. Romain n'était pas chez lui.

— Ah bon ? Mais, il peignait tout le temps quand il n'était pas fourré chez l'un de vous.

— Il faut croire que non, maman, soufflé-je.

Il faut que je trouve un moyen de m'échapper avant qu'elle ne me demande de l'aider à réaliser une tâche quelconque.

— Je... peux aller voir Louna, en revanche !

Je souris, en écho au sien. Elle possède de ravissants yeux rieurs dont je n'ai hérité que la couleur, ainsi que ses sourcils. Pour le reste, je pense avoir pris du côté de mon père. Ou de ses parents. Il faudrait d'ailleurs que je leur rende visite un de ses jours.

— Arrête de faire des allers-retours et pause toi quelque part, rit-elle.

— Je suis sûre que tu es ravie de me voir, pouffé-je.

Elle lève les yeux au ciel, excédée.

— File, et ne rentre pas trop tard !

Je m'éclipse, une sensation familière se diffusant dans mon cœur.

Je reste sur le perron en décidant comment m'y prendre pour rejoindre Louna. La simple ? Ou la marrante ?

La marrante évidemment.

Petite, Louna et moi avons créé un système pratique et original afin de nous pouvoir nous parler sans problème en cas de coup de blues. Avec le temps, ce signal était resté lorsque nous voulions nous parler qu'en tête à tête. Sa sagesse était un exemple pour moi.

Je me penche sur le bord de la rambarde afin d'attraper la liane qui la longe. Elle est tressée et solide, incomparable aux autres. Louna habite à droite de ma maison, en hauteur. Il suffit que je tire sur la corde pour qu'elle soit tendue. Avec du cuire j'avais cousu un baudrier auquel il faut que je la noue. Elle est accrochée sur une branche qui nous domine en notre exact milieu. J'ai juste à reculer et à tirer la liane derrière moi, encore, encore, encore, encore... et à me propulser dans sa direction en tombant dans le vide. Avec la vitesse, mes cheveux s'envolent en claquant, le vent me brûle les yeux, mais c'est la sensation la plus exquise que je connaisse. Ma rapidité est telle que je fonce droit sur sa fenêtre. Je commence à ralentir et mes pieds cognent contre le battant au ralenti. Je m'agrippe au mur, pour na pas repartir en sens inverse, puis dénoue ma taille de ses attaches. Au même moment, Louna surgit par la porte, un sourcil interrogatif levé et une moue rieuse aux lèvres. Elle a natté ses longs cheveux roux en deux tresses distinctes qui rebiquent sur ses épaules.

— Bien le bonjour, très chère ! m'exclamé-je en m'inclinant.

— Waouh, ça fait quoi, trois ans que nous ne l'avons pas utilisé ? glousse-t-elle ?

— Un peu moins quand même, je réponds, partageant son hilarité. Mais ça me manquait.

Elle sourit, un air nostalgique voilant son regard. Elle ne l'a pas utilisé depuis longtemps.

— Moi aussi, dit-elle avec un clin d'œil. Que me vaut l'honneur de ta visite ?

— J'avais... en fait, je ne sais plus,j'avais envie de te voir. Ça te dirait de venir avec moi à l'annonce de ce soir ?

The Alfe Wars [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant