Chapitre 14

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— Où sommes-nous ?

Le grognement de ma camarade est tout sauf chaleureux. Elle aussi fait parti des Rouges.

— Nous arrivons bientôt, éludé-je.

Je n'ai pas le cœur de lui avouer que je me suis retournée toutes les dix secondes depuis sa perte de connaissance. Son poids, cumulé à mon manque de coordination malgré mes nombreuses années à crapahuter dans les arbres, ne jouent pas en notre faveur. Nous sommes lentes.

— Bientôt ? se renfrogne-t-elle. Qu'est-ce que ça veut signifie « bientôt » ? Si nous ne parvenons pas à atteindre le point d'armement avant les autres, ce sera une défaite !

— Et alors ?

Je la replace sur mon épaule mais la fille se dégage. Elle me fait face, abasourdie, les jambes chancelantes sous sa longue chevelure blonde.

et alors ?

Son air sidéré me peine d'avantage que le fait qu'on soit seules – et perdues – dans cet endroit isolé.

Je ne réponds rien. Qu'est-ce que je peux dire si elle considère, comme les autres, que s'entre-tuer est légitime dans ce genre de concurrence ?

Nous allons gagner car nous auront respecté les règles à l'arrivée. Le but étant d'accéder aux armes, peu importe notre classement, nous y parviendront.

Elle s'éloigne en boitant, sans même m'attendre.

— Il faut que je te conduise à l'infirmerie !

— N'y pense même pas ! hurle-t-elle.

— Tu vas garder des séquelles, si tu ne te soignes pas.

Elle continue son chemin. Sa cheville droite se tord à chaque fois qu'elle la pose sur les feuilles mortes, lui arrachant un glapissement.

— Si j'y vais, je serais disqualifiée, affirme-t-elle.

je n'y avais pas pensé. Je comprends ses réticences maintenant. Le résultat de l'étape fait notre différence : ça n'a aucune importance pour moi que je vienne à bout de l'épreuve, alors qu'elle lui en donne trop.

— C'est vrai... mais entre ça et te coltiner un handicap toute ta vie, c'est ça que tu choisis ? murmuré-je. Le prestige ?

— Évidement.

Je ne sais pas si c'est de la pure bêtise ou d'un courage sans faille. Plus pour de la bêtise puisqu'elle pourrait repasser l'épreuve l'année prochaine.

— Pourquoi veux-tu gagner absolument... ?

Je bute sur son nom. Comment s'appelle-t-elle ? Je ne me souviens pas lui avoir demandé son nom.

— Lucie.

Nous continuons notre chemins en veillant à conserver un vigilance accrue sur le alentours.

— Mes parents sont cueilleurs... je ne le serai pour rien au monde, lâche-t-elle.

Lucie ponctue sa phrase d'un cracha en direction d'un arbre fruitier.

Les fruits sont délicieux, je n'ai jamais rien goûté d'aussi délicieux. C'est grâce à ses parents que nous pouvons en manger à profusion. Comment peut-elle détester ce métier à ce point ?

— Ceux de mon ami Samuel, exercent ce métier. Être en contact avec la nature tout au long de la journée doit être paisible.

J'ai une pensée pour les parents d'un grand brun aux yeux gris mystérieux, avec lesquels j'ai passé une partie de mon enfance à attraper les agrumes juteux, en équilibre sur leurs épaules. Ce travail est l'un de mes préférés. Je pourrai envisager d'en faire mon métier dès que j'aurais quitté le Choix.

The Alfe Wars [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant