The Alfe Wars [terminée]

Chapitre 12

Mais... comment a-t-il fait ? Il n'y avait personne devant nous.

— Il nous a suivis, marmonne Romain.

— Eh oui, raille l'inconnu, dont j'ai dû croiser la route un jour. Mais ne m'en voulez pas. Je savais que vous faisiez partis des plus malins, ça allait de soi. Dommage que votre intellect n'égale pas votre physique, ricane-t-il, avant de foncer dans la direction du camp.

Romain s'élance pour le rattraper. Nous sommes obligées de le suivre. Le fourbe accélère, surpris par la véhémence de notre camarade. Romain n'est pas simplement intelligent ; il est sportif, malin et gentil. J'espère qu'il va le rattraper. Je me surprends à vouloir moi aussi le mettre à terre, à l'empêcher de gagner. Il nous à voler notre stratégie. Mais en ce sens, il est ingénieux lui aussi. Il a attendu que nous en trouvions une, pour se l'approprier. Sa condition physique est largement supérieure à la nôtre. Il est redoutable.

Il faut l'arrêter.

J'allonge mes foulées, sautant encore plus loin. Louna peine à suivre mais ce n'est pas important pour le moment. La priorité c'est de rattraper l'autre. J'atteins le niveau de Romain avec difficulté. Sa concentration est déconcertante. Il ne veut pas qu'il s'échappe.

Pourquoi voulons-nous à tout prix le faire perdre ?

C'est le jeu. Seuls les plus forts gagnent. Et nous souhaitons gagner.

Je ne le savais même pas, mais cela m'apparaît brusquement. Je n'ai pas envie d'abdiquer.

Je dépasse mon ami, qui ralentit d'étonnement. Mes pieds nus foulent le sol avec tant de rapidité que je ne le sens même plus. Le présomptueux semble penser que le danger est écarté car il commence à diminuer sa vitesse. J'augmente la mienne et me jette sur lui. Il s'écroule, sa tête heurte avec force le bois. L'écorce se déchire sous la puissance de l'impact quand son corps entre en collision. Notre espèce est résistante, il ne devrait pas trop souffrir.

L'inconnu grogne de douleur et d'incompréhension. Il se débat avec acharnement. Il lutte pour que je le lâche. Je me prends une gifle dans la bataille, alors que je n'ai fait que l'immobiliser. Je pourrais la lui rendre, mais ce serait méchant, alors j'attends que mes coéquipiers arrivent. Je leur demande d'une voix sourde :

— Pouvez-vous me passer une liane s'il-vous-plaît ?

La panique envahit le regard de mon adversaire. Il doit penser que je veux l'étrangler mais je le rassure en saisissant fermement ses poignets. Je les lie en laissant tout de même de quoi faire affluer le sang. J'accroche le tout à une branche semble résistante. Il hurle de colère pendant que mes amis, ahuris, regarde la scène les bras ballants.

— Tu n'aurais pas dû nous suivre, dis-je calmement.

— Lâche-moi ! hurle-t-il. On a qu'à se battre !

— Premier arrivé, premier servi, ironisé-je.

Je fais signe à mes amis de repartir vers l'est.

— C'était quoi ça ? demande Romain, perplexe.

Aucune idée. Je ne sais même pas comment j'ai tenu sur lui en lui tenant les poignets. Il aurait fallu qu'il se contente de se retourner pour m'expulser dans la galaxie mais il ne l'a pas fait.

— J'ai dû momentanément l'assommer, ce qui m'a permis de le maintenir à terre.

— D'accord, dit Louna d'une voix douce, mais pourquoi lui as-tu sauté dessus ? J'ai cru que c'était Romain qui allait le faire, mais... c'était incroyable. Je n'aurai jamais pensé que, toi, Emelyne Taylor, tu plaques un garçon à terre !

Un trou face à nous, nous oblige à nous arrêter de nouveau. Sans même nous concerter, nous nous laissons tomber dans le vide en saisissant les rares lianes encore disponibles. Ce que nous voyons devant nous est digne d'être l'un des plus gros bazars que le Choix des Élites ait pu voir.

Des dizaines de personne se battent pour passer. Moi qui pensais que nous avions pris un retard considérable... Eh bien pas du tout. Certains sont sur des branches, venant aux mains pour essayer d'accéder au précieux butin. D'autres se livrent à une course poursuite, oscillant d'un arbre à l'autre. C'est étonnant qu'ils ne se soient pas télescopés ou même emmêlés à force de faire des demi-tours. Louna ne manque pas de remarquer mon arrêt soudain derrière une branche fournie en feuilles.

— Il faut s'en aller discrètement. Si on se fait repérer on est mort.

Je ne comprends pas pourquoi ils ne s'enfuient pas, au lieu de rester comme ça à se battre. Il vaut mieux rejoindre la réserve tout de suite.

Je hoche la tête puis lui désigne les centaines de pieds qui nous séparent du sol verdoyant. En bas nous serons discrets.

Je descends lentement de ma liane, en veillant à ne pas me brûler les mains. Arrivée à mi-chemin, des cris de protestations s'élèvent. Nous nous regardons tous les trois, en proie à une hésitation. Est-ce que c'est pour nous ou simplement une personne qui a réussi à percer la défense ?

Nous reprenons notre descente doucement, sur le qui-vive.

Romain fait signe de se taire, alors que nous sommes à deux doigts de poser les pieds sur la boue envahie de racines dix fois plus longues que moi.

Je n'entends rien de mon côté mais le froncement de sourcils de la rouquine est éloquent. Je cherche des yeux ce qui a pu provoquer un bruit dans l'obscurité de la forêt. Ce qui pourrait se cacher parmi toutes les zones d'ombres que je n'ose pas aller explorer. Les protestations d'en haut se taisent brusquement. Un silence chargé d'angoisse, de stress et de peur empli de nouveau la forêt. Il n'atténue en rien notre énervement. J'allais leur faire signe d'avancer avant qu'on soit paralysés par la paranoïa, quand un craquement retentit derrière moi.

Je n'ai pas le temps de me retourner qu'une main étouffe mes protestations.