The Alfe Wars [terminée]

Chapitre 24

Les jours s'enchaînent, nous continuons de nous entraîner avec une assiduité sans faille. La menace de Théo a été prise très au sérieux, plus personne ne s'est plaint. Ça fait une éternité que je ne suis pas allée chasser, ou même m'amuser. Je ne veux pas risquer d'être déconcentrée. Je ne connais même pas le nombre de séances qui se sont écoulées depuis le commencement du Choix. Ça fait juste... trop longtemps.

Mes journées s'écoulent de façon identique : se lever, s'habiller, manger une pomme, partir, s'entraîner, rater le déjeuner – en temps de famine, nous ne pouvons compter que sur notre force morale pour tenir, éviter Lucas, s'entraîner, voir mes amis quand nous sommes libérés en avance, dîner, dormir. Dormir... du moins quand j'y parviens. Ella s'est volatilisée de mes pensées, mais ça ne m'empêche pas d'avoir des insomnies. C'est pour cette raison que je me donne au maximum. Mon esprit est vide quand je foule le plancher de ma chambre. Mon esprit est devenu insipide en toute circonstance, j'en ai bien peur.

Je n'ai plus la tête à penser. Une part de moi sait que je cherche à ne pas faire de place pour autre chose que mes résolutions. C'est facile d'oublier que je ne pourrai plus adresser la parole à mes amis dans peu de temps. Il y a encore le Stage, mais la Stratégie nous interdit de nous approcher des camps adverses, pour qu'elle reste « confidentielle ». Comment vont-ils s'y prendre pour nous isoler ? On ne va pas parader avec une muselière, si ?

S'il y a bien une chose que j'ai retenue ces huit dernières années, c'est qu'ils sont capables de tout.

Les exercices deviennent durs, conséquences de l'intervention de cette Laureline. Je te remercie, Laureline. Je ne peux pas lui reprocher son caractère, il se pourrait que ce soit un atout dans cette bataille sans merci, mais j'aurai préféré qu'elle n'intervienne pas. Ou plutôt, non, je lui en suis reconnaissante, l'exercice me permet d'évacuer toutes autres pensées.

Depuis que ces journées impitoyables ont commencé, nous maîtrisons les lancés de couteaux à la perfection, les techniques apprises sont devenues fluides et notre endurance est à faire pâlir les Bleus – sauf Ambre qui abandonne à chaque fois. Mais on lui pardonne parce que c'est Ambre. Je parviens même à exceller au tir à l'arc.

C'était la première fois que je touchais à ce type d'armes, pourtant cette pratique est devenue ma préférée en un rien de temps. Je n'ai même pas eu d'appréhension en prenant un arc, comme si une Emelyne différente contrôlait mon corps.

Le test que nous avons subi pour connaître notre « bon œil » était étrange. Théo passait pour vérifier quelle paupière nous sommes capables de fermer, puis il notait le résultat. Ceux qui réussissaient aux deux se servaient d'un arc imaginaire pour choisir le côté qui leur convenait le mieux. Je suis gauchère, je n'arrive qu'à clore l'œil droit. Romain m'a assurée qu'être gauchère était normal, même si je me sers de ma main droite pour chasser.

— Combien de temps dure cette phase ? demandé-je à Théo qui effectue une ronde pour donner des conseils.

Quand on apprend une nouvelle technique, on la reproduit trois séances d'affilées pour la maîtriser. C'est sa pédagogie, et pour le moment, elle porte ses fruits. J'ai arrêté de compter les jours quand mon cerveau s'est mis en mode automatique. Impossible de savoir où nous en sommes. Olivier a dit qu'il y aurait dix parties, mais il a omis de dire le temps qu'il devait y avoir dans celle-ci.

— Quatre cycles de la lune, soit seize semaines. Nous en sommes à la quatrième, dit-il, une pointe de curiosité dans la voix.

Sa voix me rappelle qu'il a avoué m'avoir observée lors de l'épreuve. Pourquoi ? Est-ce parce qu'il était curieux de savoir ce que j'étais devenue ? Peut-être pour voir Ella à travers moi ? Ou alors, c'est une coïncidence : il est tombé sur moi au pire moment quand il vérifiait que tout se déroulait sans anicroche. J'ai dû faire une forte impression ce jour-là. Merveilleux.