The Alfe Wars [terminée]

Chapitre 19

J'observe mon visage encadré d'épaisses boucles brunes qui cascadent jusqu'à ma taille dans le reflet du miroir de ma chambre. J'essaye de les dompter, passant les poils en èdre de ma brosse avec plus ou moins de force dessus.

L'èdre est un animal que nous avons domestiqué il y a peu. Il appartient à la famille des suidés. Son nez plat est affublé de larges narines volumineuses, qui lui mangent une grande partie de son pelage duveteux foncé.

Après plusieurs minutes à échouer, j'enroule ma chevelure à la manière d'une volute sur ma tête. J'attache mon chignon à l'aide d'un ruban que ma sœur à confectionné il y a longtemps. Le rouge, mon préféré.

Je me regarde tous les matins dans cette glace pour me coiffer. Comme tout le monde, j'imagine. Mais ce n'est pas la seule raison. Je ne l'ai jamais avoué à ma mère, même quand elle me trouvait ici, les yeux dans le vague. L'impression tenace que je ressemble chaque jour davantage à Ella persiste. Mes grands yeux verts, surmontés des fins sourcils sombres, offrent un contraste saisissant avec ma peau claire, presque translucide. Je lui ressemble comme deux gouttes d'eau. La seule différence entre mon visage et le sien, c'est qu'il était plus rond et qu'elle regardait perpétuellement le monde avec cet air espiègle. Et qu'elle bronzait plus, la veinarde.

Je me fige. La veinarde ?!

Ai-je vraiment pensé cette phrase monstrueuse à l'instant ? Qu'elle avait de la chance ? Je suis la pire sœur qu'elle aurait pu avoir. Elle n'a pas eu de chance.

Je jette ma brosse sur la matelas. Elle atterrit sur le mur en bois avec un bruit sourd.

Ça m'énerve. Je me fustige toujours quand je pense aux souvenir heureux que j'ai d'elle. Comme si j'étais obligée de la voir comme une martyre tout le temps, sans pouvoir avoir le droit de penser aux bons moments. J'aimerai bien faire comme si tout était normal, comme si elle était encore là, penser d'elle comme la grande gagnante dans cette histoire.

En mourant, elle a eu tout, sauf de la chance ; mais avait-elle une vie misérable pour autant ? Non, je ne crois pas. Pourquoi n'ai-je pas le droit dans ce cas de trouver que la sienne avait des avantages ? Tout simplement, parce que la mort occulte tout le reste.

J'ai passé ces années à maudire l'univers en me censurant. Mes pensées ont été parasité par l'envie – ou le besoin ? – de venger ma sœur parfaite.

La vérité vient de m'éclater au visage : je n'ai fait que cela. Jamais à m'octroyer le droit de sourire et quand l'envie m'en prenais, je me forçais à visionner encore et encore pourquoi je ne devais pas le faire. Parce qu'elle ne le pouvais plus. C'est une torture mentale que je m'inflige depuis dix ans. Le pire, c'est que personne ne m'a empêché de sourire. Les personnes qui perdent un parent, réagissent-elles toutes ainsi ? S'emprisonnent-elles dans la douleur, en pensant que s'il ne peut plus sourire, pourquoi, elles, le devraient ?

En éteignant petit à petit la flamme de la vie qui brillait en moi, j'ai soufflé sur celle des autres. Elles ont autant vacillé que la mienne, par ma faute. Je les ai entraînés dans ma chute sans m'en rendre compte. Ils m'ont soutenue. Mes amis sont géniaux. Ils méritent que je ravive leur flamme.

D'un geste inconscient, le paysage pittoresque des arbres aux magnifiques fleurs roses accrochées aux lianes, se présentent devant moi. J'ai la désagréable impression d'être la fleur qui s'agrippe à son passé, ballottée par les épreuves de la vie. Après une légère rafale, elle tombe de l'arbre. Le vent la transporte de branche en branche, pour qu'elle finisse sa course au pied de ma fenêtre. Une bourrasque l'entraîne plus loin. A l'infinie.

Et s'il était temps de l'imiter ?

Je regarde ce nouveau symbole, essuyant les rigoles salées qui ont dévalé mes joues. C'est la dernière fois que je pleure.