Cycle I, Livre II
D'un côté, il y a Taeko, et de l'autre, Sera, visages de l'apprentissage héroïque semé d'embuches et au cruel point commun d'un alter aux conséquences désastreuses : la métamorphose.
Parce qu'il peut être si dur d'être soi quand on...
La tête dans les mains, le professeur principal attend plus ou moins impatiemment son collègue taciturne, le professeur Aizawa, pris dans un problème qu'il ne peut pas maîtriser seul.
- Tu voulais me voir ? demande la voix encore rauque de sommeil.
A demi soulagé, l'homme en faune acquiesce.
- Tu devrais prendre la nouvelle de ma classe.
L'ennui disparait du visage de son interlocuteur, à présent parfaitement réveillé.
- Je ne vois pas quoi lui apprendre. Elle gère mieux son alter que n'importe quel étudiant ici. En dehors de la pratique héroïque, je n'ai rien à lui apprendre. Je pense que tu t'en sortirais mieux que moi.
- C'est la métamorphe ? demande Aizawa en attrapant le dossier que son collègue lui tend.
- Oui. Je pense que... ce serait mieux si c'était toi qui l'avait dans ta classe.
Son collègue le considère longuement, comme si l'idée lui semblait alléchante, il lit ensuite encore une fois le dossier, et finit par le reposer.
- Je ne pense pas que ce soit une bonne idée, répond-il platement.
- Tu sais que tu es meilleur que moi avec les perles.
Aizawa détourne les yeux, secouant mollement la tête.
- Je n'ai jamais connu de métamorphe. Je ne sais pas comment ça fonctionne. Toi, si.
Vlad King secoue la tête à son tour.
- J'ai rencontré une jeune femme qui s'est tout de même suicidé. Tu sais, je n'y connais pas grand-chose non plus, mais elle, elle sait le gérer. C'est une professionnelle de son alter. Elle... c'est extraordinaire. Il faut que tu voies ça. J'en ai parlé deux heures avec elle, je n'ai rien à lui apprendre.
- Vlad... commence l'autre enseignant.
- Non, tu ne comprends pas. Rien, strictement rien. Si elle apprend à faire plus, ce sera par elle-même, avec l'entraînement fou mais fonctionnel qu'elle s'est employée à utiliser ces quatre dernières années. Elle progresse encore. Et elle sait comment ajuster chacun de ses exercices à sa santé. Elle en sait plus sur son corps que n'importe quel héro sur le leur. Je ne savais même pas combien il y avait de cartilages dans une main. Et tu sais quoi ? Elle, elle le sait. Elle doit tout paramétrer, comme une machine, au gramme près, à la place près.
Le professeur en noir se redresse, épuisé par sa nuit incomplète, mais résigné à écouter tout ce que son collègue a à lui dire.
- Qu'est ce que je peux apprendre à ses enfants-là ? Quand ils sont... déjà prêts, pour le moins physiquement, à quoi servons-nous ?
C'est la question qu'il s'est posée toute la nuit. A quoi sert-il, en tant que professeur, s'il n'a rien à enseigner ? Il n'y a rien de dérangeant, chez cette adolescente, si ce n'est sa placidité, et sa capacité hors norme à maîtriser son alter. Chose qu'il juge d'ailleurs dangereuse, car pour connaître à ce point ses capacité, elle a dû les explorer de fond en comble.
Aizawa hausse les épaules :
- Pour les entraînements purs et durs, laisse-la s'entraîner dans son coin. C'est tout. Si elle sait déjà s'occuper d'elle, tant mieux, après tout, ils sont en troisième année. Mais si elle est douée pour ça, si elle maîtrise ça sur le bout des doigts, elle doit pêcher ailleurs. Trouve ce que c'est, et tu verras, tu auras définitivement quelque chose à lui apprendre.
L'immense professeur jaune le regarde longuement, les yeux rivés vers lui. Le calme que son interlocuteur affiche le perturbe une seconde. Mais oui, c'est la solution. Il doit trouver la faille. Ce qu'elle ne sait pas faire, et lui apprendre. Il est tout de même son professeur.
Il sort de la pièce avec cette idée fixe, jusqu'à ce qu'il arrive au terrain d'entraînement où toute sa classe l'attend.
Les adolescents indisciplinés patientent, tandis ce qu'il réfléchit aux exercices qu'il a pourtant préparé la veille. Il a besoin d'y penser longuement, avant de lancer un exercice d'un genre qu'il n'a pas l'habitude de donner :
- On va faire une course de relais. Vous allez devoir utiliser vos alters pour permettre à votre équipe d'arriver premiers. Ce sera en deux équipes de cinq et deux de six. Vous choisirez le nombre de coureurs, le nombre de personnes en soutient. Qui courre est important. Vous devez faire des choix stratégiques. C'est tout pour les consignes. Vous avez une demi-heure.
Il fait demi-tour, le temps de noter consciencieusement sa consigne sur sa feuille d'enseignement pour en garder une trace, et les bavardages chassés par sa prise de parole reviennent tout de suite. Une logique de groupe par affinité est créée, et bientôt, une première ébauche de groupe est formée.
Les élèves gravitent les uns entre les autres.
- Et toi ? Qu'est ce que tu sais faire qui nous permettrait de gagner ? demande Shinso.
Elle le regarde longuement.
- Course plate ou d'obstacles ? demande-t-elle finalement en se tournant vers l'enseignant.
- Plate. Comme dans n'importe quelle course de relais classique.
Taeko acquiesce, et regarde ses pieds, avant de regarder l'espace autour d'elle. Elle réfléchit longuement. Et au bout de quelques interminables minutes, elle se métamorphose, dans un léger nuage crème, comme si les cellules de son corps se déplaçaient.
Son visage impassible ne change pas de forme, toujours incroyablement visible, en dépit de sa couleur de cheveux changeante. Ses pieds à présent nus sont à présent de grosses pattes aux poils noirs, disparaissant derrière un uniforme qui s'est métamorphosé. Une queue noire se dandine de gauche à droite quand le nuage se dissipe, et ils se rendent compte qu'elle a également des pattes avant.
De petites exclamations intriguées retentissent, et elle lève les griffes pour s'attacher les cheveux dans un geste qu'elle réalise tout à fait naturellement. Elle parvient à le faire, contre toute attente, sans l'aide de la moindre brume.
Elle fronce le nez, chatouilleuse, et les regarde uns à un, l'air de se demander s'ils savent que le guépard est le félin le plus rapide qu'il existe, et que même si elle n'est pas fan des mouchetés, le noir est une couleur qui lui va mieux, de toute manière.
- C'est la couleur, qui ne va pas ? demande-t-elle finalement en virant au moucheté.
- Oh, c'est un léopard ? s'exclame Pony.
- Guépard, répond-elle.
Elle termine, avec une lassitude que Neito juge calculée :
- Alors, qui j'intéresse ?
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