29.1. Ce qu'elle peut apprendre

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Septembre 3517


L'automne s'est bien installé. Maintenant que les feuilles sont tombées de presque tous les arbres du lycée, Taeko a de plus en plus conscience du temps qui passe. Elle est là depuis plusieurs mois. Et elle est la seule à ne pas avoir de stage en agence. Ça n'a inquiété personne, dès lors que tout le monde a appris pour son accident lors du festival.

- Une perte de temps, je n'ai rien fait de ce que j'ai montré aux autres, finalement.

A moins que ses nouveaux « amis » ne l'ai regardé pour être sûrs de leur choix. Dans ce cas... ça change tout.

Elle termine de se laver les mains avec l'eau froide du robinet extérieur, lentement. Elle attend quelqu'un. Qui ne sait pas qu'elle l'attend, mais la métamorphe est presque certaine de pouvoir la voir. Le son des voix qui se rapprochent attire son ouïe trop développée pour être une caractéristique humaine, mais trop peu pour être animale, vestige d'une habitude de transformation fréquente qu'elle a encore perdue.

Le groupe d'adolescentes s'approche en riant, et se donnant des coups de coudes amusés, et cette fois, elle peut voir les élèves de la classe A s'approcher pour boire. Elle a attendu ce moment précis, utilisant près d'un quart d'heure de son temps d'entrainement personnel pour voir ces apprenties héroïnes venir au seul point d'eau assez proche du gymnase.

- Ah, Taeko, c'est ça ? demande Kazue en s'approchant, un sourire léger suspendu aux lèvres. Comment tu vas ? Qu'est-ce que tu fais ici toute seule ?

Elles ne se sont pas échangé des banalités, la dernière fois. Mais qu'elle fasse mine de la connaître en dehors de ce cadre intime de l'entraînement au cours duquel elles ont laissé court à leur alter la gêne.

Tomber sur Kazue Hikawa n'est pas du tout prévu, mais tant pis, elle va devoir s'en débrouiller :

- Pas mal. J'ai terminé de m'entrainer, pour la journée. Sur le combat, je veux dire, ajoute-t-elle en haussant les épaules. C'est toujours plus rapide quand on fait les exos tout seul, que quand on est en classe.

Derrière sa camarade aux cheveux noirs méchés de blanc, Momo acquiesce, et se déplace pour être dans son champ de vision :

- Oui, je suis d'accord ! Mais t'arrives à bien bosser, toute seule ? Moi je ne sais jamais m'arrêter !

La bouche pleine d'eau, Kyoka coupe le robinet pour avaler ce qu'elle a mis en réserve dans ses joues.

- Et moi, j'ai du mal à m'y mettre.

Ses prises pendent sous ses oreilles, et l'une d'elles goutte de l'eau qui a tracé un sillon sur sa joue, lorsqu'elle avait la tête penchée sous le robinet, pour rejoindre son oreille.

Taeko hausse les épaules. Se mettre au travail, ce n'est plus un effort pour elle depuis longtemps. Et s'arrêter non plus. Parce que sa seule limite est son alter. Les douleurs musculaires ne l'atteignent pas, par métamorphose, et les crampes non plus. Ce n'est qu'une fois que ses cellules la tirent, qu'elles lui brûlent toute sont énergie, qu'elles lui donnent l'impression que la gêne qu'elle ressent vient de tous les pores de sa peau.

En bref, elle sait.

- C'est pas dérangeant. Je suis à l'aise, toute seule.

Elle se raidit en se demandant si c'était vraiment la chose à dire, mais les yeux sombres de Kazue la saisissent, et le sourire qu'ils lui renvoient lui semble plus sincère que celui qu'elle lui a offert en arrivant, même s'il se fait plus discret, dans le coin de ses lèvres. Momo hoche quant à elle la tête à nouveau.

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