Août 3512
Ce n'est pas la chaleur ambiante qui la fait transpirer. Elle est consciente depuis un moment qu'elle est l'élément le plus perturbateur de la classe. Sauf que depuis une semaine, elle espère tout simplement disparaître de la pièce. Les gouttes acides dégoulinent dans son dos, et sur ses bras, dans le creux de son coude. Sa main posée à plat sur sa page de cahier détrempe sa feuille, et elle se maudit de ne pas avoir recours à une aide quelconque pour s'échapper de là. Sauf que ses camarades sont à l'affut, et que ce n'est pas une paire, mais vingt, qui la fixe en continu.
Ça a beau être discret, ou plutôt, invisible à l'œil enseignant, Taeko se sent observée, et ce n'est pas qu'une impression.
Une main se claque contre le tableau. Surprise, l'adolescente sursaute.
- Vous pouvez vous concentrer un peu ? s'agace leur troisième professeur de la journée.
Ses propres yeux passent sur la métamorphe, et elle qui regardait le tableau pour ignorer les autres se retrouve à n'avoir que sa feuille, à finement observer. Une perle d'eau s'écrase sur sa main, et elle s'essuie le front d'un revers de l'autre, sans un son.
- Akada.
- Oui ? demande-t-elle en se redressant nerveusement.
- Qu'est ce qu'il se passe, réclame la professeure.
La sèche et rigide Madame Sasamoto n'est pas la plus apte émotionnellement parlant, pour l'aider.
- Rien, madame, répond-elle à mi-voix.
Une main volontaire et un brin provocatrice se lève.
- Oui ?
- On attend qu'elle se métamorphose, madame, répond l'un des élèves avec le sourire. Comme c'est rare, en ce moment, on espère ne pas louper le moment. C'est tout.
La gorge serrée, Taeko se force à respirer calmement, soudainement glacée.
- Parce que tu l'avoue, en plus ?
- Allez, dit l'enseignante dans un soupir, on ne va pas passer toute la journée dessus.
La fin de sa phrase est ponctuée par le bruit du cahier contre le bureau. Elle vient de le lâcher entre les feutres vélédats, qui roulent sur plusieurs centimètres. La jeune fille a peur de comprendre :
- Pardon ? demande-t-elle encore plus bas.
- Allez, répète l'enseignante. Transformez-vous. S'il n'y a que ça pour vous faire plaisir.
Des exclamations agréeuses se font entendre, et cette fois, la jeune fille doit se forcer à rire nerveusement.
- Mais je n'ai pas prévu de me métamorphoser, moi. J'en n'ai pas envie.
Les sourcils froncés, madame Sasamoto se rapproche, et s'arrête à deux rangs d'elle, les bras croisés. La collégienne comprend bien qu'elle soit contrariée, mais ce n'est pas quelque chose qu'on peut l'obliger à faire contre son gré. ... si ?
- Ecoutez, Akada, je ne vous demande pas si vous avez « prévu » de le faire, je vous demande d'en finir, pour que je retourne à mon cours, et le reste de vos camarades aussi.
- Mais je-
- Akada, se fâche-t-elle. C'est fini, ce petit jeu. Vous dissipez toute ma classe.
- Ils se dissipent tous seuls ! réplique-t-elle en serrant les poings.
Elle n'est pas sûre de l'avoir dit. Ou alors, pas sûre d'avoir été entendue. Peu importe à quel point sa propre voix a résonné en elle, elle a eu l'impression de crier. Le sourcil haussé de sa professeure de littérature lui indique, lorsqu'elle relève la tête à nouveau, qu'elle n'a rien dit.
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Métamorphe
FanfictionCycle I, Livre II D'un côté, il y a Taeko, et de l'autre, Sera, visages de l'apprentissage héroïque semé d'embuches et au cruel point commun d'un alter aux conséquences désastreuses : la métamorphose. Parce qu'il peut être si dur d'être soi quand on...