29.2. Ce qu'elle peut apprendre

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Juin 3512


Taeko rentre dans l'adolescente qui s'enfuit de la classe en courant, et la rattrape au vol pour reprendre son propre équilibre :

- Eh, ça va ? demande-t-elle.

La collégienne relève la tête, surprise par le son de sa voix, et demande, larmoyante :

- Taeko ? Tu es blonde ?

Gênée, la métamorphe reprend sa couleur foncée d'origine, toute envie de tente l'inconnu d'une nouvelle coupe envolée.

- Kono ? Qu'est-ce qu'il t'arrive ?

Sa camarade renifle secoue la tête et se dégage lentement.

- C'est rien, je vais juste aux toilettes.

Les sourcils haussés de surprise, Taeko propose :

- Alors je t'accompagne. Je devais y aller aussi.

L'autre collégienne ne proteste pas, et alors qu'elle allait rentrer dans la salle, la jeune fille rebrousse chemin.

Depuis qu'elles se connaissent, toutes les deux, c'est bien la première fois que Kono, l'élève modèle à l'uniforme impeccable, ou à la queue de cheval serrée, pleurer. Et la détresse qu'elle dégage pousse Taeko à lui ouvrir la porte des toilettes, vérifier qu'il n'y a personne à l'intérieur, et allumer l'eau, pour la faire chauffer. En quelques secondes, sa camarade aux cheveux noirs glisse ses mains sous le jet, pour les rincer d'abord, puis pour se passer de l'eau sur le visage.

Le son fluide résonne dans la pièce, ponctué par son accumulation dans le creux des mains de sa camarade.

Elles se connaissent depuis presque deux ans. Elles pourraient même dire qu'elles étaient amies, si elles passaient du temps ensemble à l'extérieur. Et si Taeko pensait au départ qu'elle aussi, était embarrassée d'inviter une amie dans son logement miteux, elle a rapidement compris que ce n'était pas tout à fait le cas. Il n'y a qu'elle qui peut s'en inquiéter. Parce que Kono a en réalité plusieurs cours particuliers par semaines, dans plusieurs disciplines.

Et lorsqu'elle a réalisé que celle qu'elle pensait être sa seule amie avait peut-être honte d'elle, elle s'était méfiée. A présent, elle se dit simplement qu'elles sont plus proches que de simples camarades, mais ne le sont pas plus que ça.

Elle demande néanmoins :

- Tu veux en parler ?

Kono ne répond pas, d'abord. Elle coupe l'eau.

- Je vais... déménager. Je vais changer de collège. Je pars en fin de semaine.

Taeko pince les lèvres, et ne dit rien. Elle est blessée, mais préfère ne rien dire. Ne rien laisser passer. Sauf ça, peut-être :

- Et tu pleures pour ça ? Parce que tu t'en vas ?

Sa camarade détourne les yeux, et s'essuie le reste d'eau de ses mains sur les plis de sa jupe.

- On devrait y retourner, lance-t-elle à la place. Tu n'as pas encore posé tes affaires, et ça va bientôt sonner.

- Ouais, on n'est pas si proches que ça, pas vrai ? Sinon, tu m'en aurais parlé. Pas vrai ? répète-t-elle amère.

Elle ne voulait pas être blessante, mais tant pis. C'est plus fort qu'elle :

- J'imagine que tu le sais depuis longtemps.

- Tu es la seule à le savoir, dit-elle en haussant le ton.

La parfaite Kono. La fille la plus studieuse, silencieuse, sage... celle qui n'a qu'une seule copine dans tout le collège. Copine qui ne l'est pas vraiment.

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