3.1. Ce qu'on prend ou ce qu'on laisse

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Avril 3517


Taeko regarde les poils de son bras se hérisser. Elle s'habille pourtant naturellement, passant le tissus par-dessus sa peau humide. Elle sort tout juste de la douche, et en avoir pris une un peu plus tôt dans la journée après le cours de sport ne l'a pas empêchée de ressentir ce besoin urgent de se laver. Une question d'habitude, peut-être. Ou d'angoisses.

Les traits tendus, elle regarde son reflet dans le miroir avec attention. Non pas qu'elle se préoccupe des apparences au-delà de tout le reste, comme de ses notes ou de sa situation sociale, mais en temps que métamorphe, elle ne peut pas se permettre d'être en-deçà d'une certaine limite de narcissisme.

Les cheveux bruns, les yeux marrons, mais avec ce brin mauve qu'elle retrouve dans les photos d'elle enfant, et cette silhouette sportive qu'elle a hérité de ses longs entraînements physiques. Elle pourrait presque dire objectivement qu'elle est même jolie. Une aubaine, pour une jeune fille de son âge.

Elle soupire, regarde attentivement chaque trait de son visage comme si ce n'était pas le sien, pince les lèvres, et hausse les épaules. Ce n'est pas parfait, mais c'est bien elle. A croire que la chose la plus importante est de rester soi, alors qu'on pourrait être plus. Elle connait quelqu'un qui aurait rit de ça. Mais ce n'est pas son cas, aujourd'hui.

Elle termine de s'habiller, glissant son pantalon le long de ses cuisses, plus de ses hanches. Elle y accroche le bouton, et on frappe à sa porte. Elle lève les yeux au ciel, et prend soin de vérifier que ses cheveux sont bien d'une couleur habituelle, et ouvre.

- Oui ?

La fille sur le pas de la porte lui rappelle tout de suite le treizième nom qu'elle s'est évertuée à retenir en deux jours : Setsuna Tokage, la fille capable de diviser son corps suffisamment pour le faire disparaitre.

- On se fait une soirée filles ce soir. Ça te tente ?

La tentative de conviction lui fait plaisir, et Taeko ne peut s'empêcher de sourire en croisant les bras.

- Je comprends. Merci. Je viendrais. Pour quelle heure ?

- L'heure à laquelle on remonte après manger. Oh, il faudra que tu prennes ton bazar de nuit, comme ton oreiller, mais on avisera, et si tu as besoin d'aide pour quelque chose, on t'aidera !

Taeko acquiesce doucement.

- Pas de soucis, merci.

Elle rajoute, pour tenter d'avoir l'air enthousiaste :

- J'ai hâte.

Setsuna sourit.

- Super.

- J'ai... besoin d'amener quelque chose ? A manger ? Ou des couvertures ?

- Eh bien, une pour toi, mais ne t'en fais pas pour la nourriture, on aura mangé, et on a de quoi grignoter. Tout est prêt.

- D'accord. Alors à tout à l'heure.

Elle s'apprête à refermer la porte, quand elle pense à demander, par acquis de conscience :

- Mais au fait, on a le droit de faire ça ?

La lycéenne fait la moue, comme si ça n'importait pas vraiment, qu'elle s'accrochait à des détails.

- Eh bien... non ? Peut-être ? Je ne sais pas du tout, pour être honnête. Du coup...

Elle fait un signe entendu, et Taeko acquiesce :

- Je garde ça pour moi, compris.

Elles se sourient une dernière fois, et elle referme sa porte en soupirant.

MétamorpheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant