31.2. Ceux qui manquent de sommeil

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Avril 3512


Les mains dans les poches d'une veste qu'elle ne peut porter que très peu, à cause de son emploi du temps de collégienne, Taeko se retrouve à lorgner les magasines affichés sur le présentoir de la supérette, se demandant quel visage serait le plus joli à la place du sien, le plus facile à faire, celui qui attirerai le plus les regards, si elle en avait le niveau...

Elle finit par dépenser toutes ses économies du mois dans deux volumes qu'elle a quasiment lu en entier, avant de craquer, sous le regard désapprobateur du caissier :

- Habituellement, on les paie avant de les lire, jeune fille, pas l'inverse.

L'adolescente pince les lèvres, navrée, sans trop l'être.

- Je ferais attention, la prochaine fois.

Mais à la façon dont elle compte chaque centime dans la boutique déserte, le sourire du vendeur lui indique qu'il ne pense pas la revoir de ci-tôt, et elle ne peut pas lui donner tort. Tout l'argent qu'elle vient de dépenser a été durement gagné, à coup de petites courses pour la voisine, ou de devoirs faits à la place de ses camarades.

Elle sort en le saluant, mi-honteuse, et envoie un message ravi à Kono, lui parlant de ses derniers achats, et de ce qu'elle compte en faire.

Cette fois, la réponse ne se fait étonnamment pas prier, et la jeune fille lui dit qu'elle devrait faire attention à ce qu'elle fait avec son alter, qu'elle ne devrait pas en parler à tout le monde.

Vexée, la jeune fille brunit, et fronce le nez, le parsemant de quelques taches de rousseurs incontrôlables. Enfin, ce n'est pas comme si elle ne savait pas contrôler ses pouvoirs. Elle les sens s'activer, s'élancer autour d'elle, et brouiller l'espace. Mais ce n'est pas ce qui l'empêche de décréter qu'elle fera tout ce qu'elle se sent capable de faire, que ça plaise aux autres ou pas.

C'est comme ça qu'elle rentre, ses deux magasines sous le bras, sans faire attention d'abord à la dispute devant leur immeuble, jusqu'à ce que la voix de sa mère ne retentisse :

- Ne vous approchez pas de ma fille, salaud.

- Il faudra bien payer le loyer, répond l'homme avec une grimace, pour souriant soudain : c'est quoi, l'alter de ta gamine ?

Yuka pince les lèvres en répondant instinctivement :

- Comme moi. Mais elle n'est pas plus douée. Vous n'en ferez rien.

Les particules autour de l'adolescente se glacent, et elle verrouille sa capacité en une seconde. La suivante, le regard sombre de l'homme est braqué sur elle.

Ce n'est qu'une fois qu'il se détourne d'elle qu'elle comprend qu'il ne connait pas son visage, puisqu'il reprend :

- Eh bien, j'espère pour vous. Parce que si elle devait m'être utile, je pourrais m'énerver contre vous. Vous savez ? Je n'aime pas perdre de l'argent.

La mère hoche lentement la tête, se forçant à ne pas regarder sa fille presque à leur niveau. Cette dernière se contraint également à ne pas les regarder plus que ça, pour passer derrière elle, et finalement, s'arrêtant sur le perron :

- Madame Akada ?

Elle se retourne, surprise, et comme si elle parlait à sa voisine, Taeko demande nerveusement :

- Tout va bien ?

L'homme tressaille, et marmonne :

- Il manquait plus que ça.

- Vous voulez que j'appelle ma mère ? insiste-t-elle devant le silence de Yuka, qui la regarde avec un air paniqué.

- Je m'en vais, dit-il en reculant. Pensez au versement de ce mois-ci, c'est tout.

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