Métamorphe

9.1. Ce qui touche son cœur

Mai 3517

Elle n'a pas encore terminé ses exercices qu'elle décide de sortir prendre l'air. Taeko enfile des vêtements décontractés, son sweat à capuche préféré, et ne rabat le tissu sur ses cheveux blonds qu'une fois le portail de Yuei passé.

Non pas qu'elle n'aime pas être vue, mais le fait d'être couverte lui donne le sentiment de pouvoir se cacher du regard des autres. De ne pas être là, le temps d'un regard. De ne brusquement être personne d'autre qu'une adolescente avec un sweat gris blanc.

Elle traverse plusieurs rues bondées, sans jamais chercher le calme, bien au contraire. Elle se nourrit du bruit, et se ressource des gens. Jusqu'à ce qu'elle doive passer dans un endroit désert, pour se rendre à une bonne adresse de pâtisserie.

- Tu es Taeko, pas vrai ? s'élève une voix.

Elle se tourne vers la silhouette, et fronce les sourcils.

Les ruelles ne sont jamais sûres. Combien même celle-ci est éclairée. Mais elle n'a jamais eu l'intention de les éviter, comme si elle les connaissait par cœur et depuis toujours, et ce, plus encore depuis qu'elle est dans cette filière.

- On se connait ?

L'odeur acre de poussière semble accompagner l'homme au sourire inquiétant.

- Si je ne me trompe pas, dit-il lentement, tu es la jeune métamorphe de Yuei.

Elle n'est pas apparue à la télévision, jamais. Ni dans aucun journal, à sa connaissance. Elle devine alors qu'il s'est renseigné sur elle, et qu'il attend d'elle quelque chose de précis.

- Qui êtes-vous ? demande-t-elle en gardant un ton égal.

Leur capuche respective limite leur contact visuel, alors elle prend sur elle de changer la donne, et de retirer la sienne. Comme elle s'y attendait, il l'imite.

- Il veut parler de quelque chose. Les kidnappeurs de son allure sont plus agressifs.

- Tu peux m'appeler Saryū. Je travaille pour une organisation criminelle, dit-il sans prendre de gants. Et nous souhaiterions te recruter.

- Je suis en troisième année de filière héroïque. Je sais que ça doit être dur de recruter au berceau, mais vous ne pensez pas qu'il est un peu tard ? Sérieusement ?

De ce que lui disent ses oreilles, il est tout seul. Et bien que ça soit plus engageant pour une conversation, ça ne la rassure pas tant que ça. Parce que ça veut dire qu'ils sont sûrs de quelque chose. Reste à savoir de quoi.

Il ricane en haussant les épaules.

- C'est vrai.

- L'Alliance des Vilains a été démantelée. Les gens comme vous devraient se cacher.

Il rit encore une fois, et met un temps à répondre :

- Ça, c'est ce qu'on tente de vous faire croire.

C'est trop gros pour être vrai. Et n'importe qui se méfierait. Sauf qu'elle a déjà entendu ce genre de bruits de couloirs. Personne ne sait vraiment où est passée la partie manquante de l'Alliance, bien qu'on tente de leur faire croire l'inverse.

- Oh, alors tu travailles pour eux.

- Pas exactement, temporise-t-il. Disons que nous connaissons quelqu'un qui connait quelqu'un. Et que dans tous les cas, tu intrigue un quelqu'un d'important. En même temps... métamorphe... !

Il fait un grand geste pour accompagner ses paroles, et elle frissonne, sans montrer quoi que ce soit de ce qu'elle pense. Elle arque même un sourcil parfaitement maîtrisé, et demande, de tout l'aplomb dont elle dispose :