2.2. Ce qu'elle sait faire

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Décembre 3516


Assise dans son lit, elle jette un œil aux cours que ses professeurs lui ont envoyé. Elle les étudie, note quelques mots au coin de quelques pages, souligne les choses qu'elle juge importantes, recoupe avec ce qu'elle sait déjà.

Sera n'est pas tout à fait une bonne élève. Elle travaille dur, c'est vrai, mais elle n'obtient pas toujours les résultats escomptés. Mais si elle peut se vanter de l'une de ses capacités, c'est son aptitude à annoter les documents, et à relever les points importants, à les exploiter. Pour ça, elle est la meilleure, et rien ne lui semble illisible.

Elle modifie la couleur du stylo, transformant l'encre noire à l'intérieur en rouge vif par réflexe, prête à mettre un trait de couleur sous les titres, avant de se figer. L'adolescente regarde lentement l'objet qu'elle faisait tourner entre ses doigts il y a encore quelques secondes, figée.

Métamorphoser les objets est un talent qu'elle a hérité de sa mère. Une prédisposition parfois pratique, qui a tendance à créer des malentendus : « Tu n'aimais pas la couleur ? », « Oh, je ne pensais pas que tu aimerais les paillettes... si j'avais su, que je te l'aurais pas pris comme ça... », « Une pomme ? Où l'as-tu volée ? ».

Sera frissonne, soupire, et les poils de ses bras changent de couleur, passant d'un blond clair au vert pâle, avant de reprendre leur carnation habituelle : un brun blême.

Elle repose ses affaires sur la table à roulettes, et la pousse doucement, pour ne plus l'avoir au dessus des jambes. Une fois que c'est fait, elle allonge le lit avec la télécommande, et patiente, le temps qu'il soit en bas.

La jeune fille aux cheveux roses s'allonge, tirant la couverture sur son épaule, tournée dos à la fenêtre lumineuse.

Elle s'apprête à se rendormir, quand la porte s'ouvre doucement.

Sera se redresse, prête à saluer l'infirmière, sa mère ou son beau-père, mais tombe nez à nez avec une femme qu'elle reconnait tout de suite.

- Je suis la mère de Hideji, dit-elle sans préambule.

Les mains de Sera se mettent à trembler, et elle se mord la joue pour rester le plus impassible possible.

- Bonjour...

- On m'a dit que tu allais mieux.

- Oui... Comment va Hideji ? se risque l'adolescente à demander.

La mère rit nerveusement, et d'appréhension, la plus jeune sent ses poils se hérisser.

- Comment il va ? répète la femme en tailleur mauve. Moins bien que toi. Tu as... détruit la vie de mon fils. Ni plus, ni moins. A cause de toi, il ne deviendra jamais un héros. Et je ferais ce que je peux pour que tu n'en devienne jamais un non plus.

Le regard perdu, Sera baisse la tête.

Oui, c'est vrai. C'est un peu à cause d'elle. Si tout ça n'était pas arrivé... elle ne serait pas ici.

- Tu es un monstre, crache la femme au bout de son lit.

Le visage de la jeune fille se relève brusquement, et ses yeux virant au bleu se glacent dans les siens.

Un monstre ? Mais Hideji est aussi coupable qu'elle, si ce n'est plus. Elle lui avait dit de ne pas le faire, elle l'avait supplié de ne pas le faire. Et qu'avait-il répondu ? « Il n'y a rien dans ce monde que je ne puisse pas faire. ».

- Ma-

- Ferme-là ! hurle-t-elle. Tu as volé la vie de mon fils !

Dans un mouvement hystérique, elle fait quelques pas vers elle pour l'attraper, mais plus rapide, Sera s'éloigne tout de suite, mettant son entraînement héroïque à profit pour sauter du lit agilement, laissant les couvertures sur le matelas, et dévoilant le bas de pyjama orange que sa mère lui a amené, pour plus de confort, assorti au haut et de sa tête d'ours.

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