23.1. Ce tout qui compose une personne

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Juillet 3517


Taeko resserre sa prise sur sa sangle de sac. On vient de leur annoncer qu'ils vont avoir quelques jours pour rentrer chez eux, et les élèves adoptent à peu près tous le même comportement : ils sont perplexes. Rien ne justifie une « mesure » du genre, alors qu'ils vont bientôt commencer leur alternance en agence héroïque, déjà largement retardée sur l'année. Les élèves de la classe A semblent moins perturbés qu'eux, remarque-t-elle en passant à côté de leur dortoir. A moins qu'ils soient toujours perturbés, ce qui expliquerait que rien ne les contrarie davantage.

La métamorphe relève la tête, se sentant observée. Le regard de Kazue Hikawa, braqué sur elle depuis son balcon, lui donne la chair de poule. Parce que l'adolescente au sourire avenant et aimable ressemble à un mur de glace. Et qu'elle a l'impression qu'elle pourrait sauter de là haut tout de suite pour l'attraper et la coincer contre un mur.

Elle détourne les yeux pour échapper au malaise qu'elle ressent même une fois assise à sa place dans la classe, vers ce premier rang. Akada. Une lettre qui ne pardonne pas, quand les élèves sont rangés par ordre alphabétique. Et ce matin, c'est presque une torture.

Ce n'est que lorsqu'elle se rend compte qu'elle a des sueurs froides, et que son champs de vision se rétrécit peu à peu qu'elle comprend ce qu'elle est en train de faire. Elle serre les poings, et lève le bras. On va la regarder, et cette pensée la fait trembler quand elle parle, étouffant à moitié :

- Je peux aller à l'infirmerie, s'il-vous-plaît ?

Son professeur principal s'approche d'elle, inquiet. Et de sa grosse main, Vlad King lève le bras pour toucher son front. L'air figé de son élève l'avait déjà frappé en entrant dans la classe, mais son regard confus et les gouttes de sueur qui lui dégoulinent de la nuque ne lui ont pas semblé normales une seconde.

Il suspend son geste au moment où elle allait l'éviter, se souvenant que le principal lui avait déconseillé ce genre d'action, avec elle.

- Quelqu'un peut l'accompagner rapidement ? demande-t-il en reculant.

Neito acquiesce en se levant rapidement du fond de la salle, comme Itsuka, Pony, et Shinso.

- Je pense qu'une seule personne sera suffisante, Kendo, je te laisse l'emmener. Mais ne la touche pas, ajoute-t-il à voix basse lorsqu'elle arrive à côté de lui. Interloquée, la jeune fille avise sa camarade, qui doit pousser avec toute la force de ses bras sur sa table pour déplier ses jambes.

- Vous êtes sûr ?

- Certain, répond-il avec un hochement de tête vif.

Les deux filles sortent de la classe et à mesure qu'elles avancent dans le couloir, Taeko blêmit, en proie à une crise de paranoïa comme elle n'en n'avait pas fait depuis longtemps.

- Que sait-elle ? marmonne-t-elle. Que sait-elle ?

- Taeko, tu... ?

La main s'approchant d'elle, Taeko recule brutalement contre le mur, glissant de sur ses appuis déjà fragiles, et tombant en arrière. Une poigne l'attrape au vol, la pose par terre doucement, et la lâche, pour reculer.

- Nagako, souffle-t-elle en la regardant.

La lycéenne héroïque avise la nouvelle venue aux lunettes inhabituelles. Celle-ci lui fait un signe de tête pour la saluer, mais reste accroupie à bonne distance.

- Il faut que tu prennes une grande inspiration. Ton cœur bat un peu trop vite.

- Je ne crois pas que ça va aller en s'arrangeant, grimace-t-elle en essuyant un violent vertige.

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