7.1. Ce qui compte ne peut pas toujours être compté...

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Mai 3517


Un saut, une roulade, une parade, et Taeko s'en sort indemne encore une fois. La classe A leur donne sérieusement du fil à retordre, mais il y a quelque chose chez la jeune fille qu'elle affronte à ce moment là qui la dépasse. C'est comme si Hikawa Kazue pouvait la tuer. Non pas qu'elle en avait envie, mais qu'elle le pouvait. Et cette pensée qui a tenté de la paralyser s'est trouvé une adversaire de taille. Parce qu'un métamorphe ne peut pas laisser son corps prendre le dessus sur sa raison.

- Tu es tellement rapide ! rit l'adolescente aux cheveux noirs.

En combat singulier, comme il n'était pas sensé y en avoir avant qu'elles, Kazue dans l'équipe des « vilains », et Taeko dans l'équipe des « héros », n'en viennent à faire durer leur combat, les deux jeunes filles explorent des parties de leur alter qu'elles n'utilisent habituellement pas devant les autres. Et si la brune avait maintenu au départ un semblant d'égalité, l'utilisation de son alter énergétique ne fait à présent aucun doute : personne ne peut, avec un alter pareil, et un corps pareil, casser ses côtes sans envoyer une vague d'énergie.

Taeko ne montre pas sa douleur une seconde de plus, répare ses os par métamorphose, et riposte en grognant :

- Mais tu triches !

Elle s'élance, crocs dehors, et alors que son adversaire s'apprête à rétorquer d'un réflexe de renvoi, Taeko s'est transformée en petite créature, puis agrandie à une vitesse presque trop élevée pour être possible, et lui enserre le bras avec une langue élastique, postée sur des pattes de dinosaure.

Surprise, Kazue la regarde une seconde, rit, et se dégage.

- Comment tu l'as su ? demande-t-elle entre deux inspirations.

Rapidement, les deux étudiantes s'échangent des coups comme les autres élèves en ont rarement vus, chez l'une comme chez l'autre, Kazue usant de techniques fraichement acquises, et Taeko comme rodée aux automatismes mutins. Tout y passe : sa musculature se modélise en fonction des coups, pour les parer, les soigner, les bloquer. Si elle se changeait au départ en créature, la lycéenne montre à présent le génie de ses transformations humaines, et sa connaissance de la biologie.

Les autres lycéens qui ont achevé leur « mission » se retrouvent à les regarder, profitant d'un spectacle rare, mais aux allures techniques, qui les fait frissonner d'excitation.

- Parce que je le sens, répond Taeko en pointant son nez, courbée en deux. Ton odeur a changé. Pas sûr que tu puisses y faire quoi que ce soit.

Elle évite un coup comme si elle l'avait vu venir et cette fois, la jeune baby-sitter se laisser aller à l'émerveillement :

- Et ça, tu l'avais vu venir ? demande-t-elle en souriant d'intrigue, les yeux pétillants de surprise.

- Tu te ralentis, la nargue-t-elle en réponse.

Elle pourrait lui dire que des yeux adaptés font rapidement la bonne mise au point, mais elle se doute que ses yeux bleus fendus par une pupille longiligne parlent pour elle. Et bien qu'avec ses yeux actuels, elle ne voie pas toutes les couleurs, elle voit tout ce qu'il lui faut pour échapper au coup suivant encore.

- Tu as vraiment un potentiel fou ! sourit Kazue.

Elle se penche, plie les genoux, s'élance, à droite, frappe, évite.

- Ouais, on me le dit souvent, lâche-t-elle entre deux coups.

Elle recule, et quelque chose attire l'attention de Taeko sur le visage de Kazue. Mais elle ne saurait pas dire quoi, sur l'instant. Elle ne bouge tout simplement et brusquement plus, au point de sentir l'os de sa pommette craquer, quand le poing de la jeune Hikawa s'écrase sur son visage.

Par mécanique, Taeko ne recule que d'un pas, se touche la joue, et répare ce qui pourrait être une fêlure. Elle ne réfléchit pas, plongée dans sa torpeur.

- Tout va bien ? demande Kazue inquiète.

Elle s'apprête à tendre la main vers elle pour la soigner avec son alter discrètement, quand elle se fige à son tour. La blessure est partie. Avec un peu d'effort, elle peut voir l'énergie circuler dans le corps de la métamorphe, et ce qu'elle voit la fascine.

Loin de partager ce qu'elle en pense, elle recule un peu, les mains relevées, un sourire de connivence étirant ses lèvres :

- Je suis désolée, je pensais que tu tenais mieux ta garde que ça.

- Je la tiens, quand je ne suis pas distraite, répond-elle en reprenant son souffle.

Elles décident tacitement de mettre fin au combat, et rapidement, les élèves qui attendaient sur le côté s'attroupent autour d'elles.

Toujours absorbée par ses réflexions, la métamorphe n'écoute même pas ce que les autres lui disent. Elle réfléchit, encore et encore. Qu'est ce qui a bien pu l'arrêter ? Plus qu'un instinct de survie, qu'est ce que c'était ?

- Ses yeux. Il y avait quelque chose avec ses yeux, réalise-t-elle.

Elle tourne la tête vers Kazue, qui lui sert cette fois un sourire de compassion, demandant aussi silencieusement si elle va bien, et sans lui rendre ou y répondre Taeko s'en détourne, pour regarder quelque chose de plus calme que tout le reste : l'adolescent dans le coin où tous les autres s'impatientaient en les regardant se battre, celui aux mèches mauves sauvages.

Elle peut lire sa question sur son expression : « Qu'est ce qu'il s'est passé ? ». Et alors qu'elle s'en détourne à son tour, elle comprend. Mais trop tard, Kazue est déjà partie se changer.

Ce qui est plus fort que l'instinct de survie, c'est l'empathie. Mais comment une fille pareille peut-elle connaître la lassitude d'un alter comme le sien ?

Kazue se passe de l'eau fraiche sur le visage. Elle ne sait pas si elle transpire encore de son exercice, ou si elle transpire d'excitation. Bien que refroidie par le dernier coup qu'elle a donné, elle ne peut se sortir de la tête ce sentiment de plénitude. Oui. C'est ça. Taeko est pleine de son alter, et cette façon de la voir la rend sublime. Pas comme une chose belle à regarder. Plutôt comme une chose belle à comprendre. Que ce soit pour forme, ou pour l'utilisation qu'elle est obligée d'en avoir, Taeko garde son alter constamment éveillé, autour d'elle et en elle.

Une main se pose sur son épaule, et elle n'a pas à relever la tête pour sentir Kyoka.

- Tu vas bien ?

- Ouais, répond-elle encore extatique. Je me suis bien amusée, c'est tout. J'atterris encore.

Rassurée, la jeune fille aux prises jacks sourit à son tour :

- Ne dis pas ça à n'importe qui, ce n'est pas elle, ta partenaire d'entrainement habituelle.

D'un rire franc, Kazue lui répond, bien plus légère :

- Tu crois vraiment que Shoto est du genre à faire une crise de jalousie pour si peu ?

Elle se passe une main sûre dans la nuque pour la tremper, et répond, de son air le plus sournois :

- Si tu veux vraiment le faire baver, prends sa dernière part de sobas.

- Tu es machiavélique ! rit Ochaco en entrant dans la pièce.

Les filles se sourient, en y repensant toutes les trois : même le garçon aux cheveux rouges et blancs avait dit d'elle qu'elle était sarcastique, alors machiavélique... pourquoi pas ?

 pourquoi pas ?

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