22.1. Ce qu'il est temps de dire

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Juillet 3517


Il n'y a pas un bruit dehors. Pour toutes les fois où le dortoir grouille, même la nuit, Taeko est agréablement surprise. Elle n'entend ni le groupe de filles papoter dans la pièce d'à côté, ni Neito crier vengeance pour une broutille, ou n'importe qui d'autre qui, pour cette dernière année, ne respecterait pas tout à fait l'heure de coucher imposée. Il n'y a qu'elle d'éveillée dans le bâtiment, elle en est certaine.

Taeko vérifie le message qu'on vient de lui envoyer, et ricane pour elle-même, rassurée par la présence de quelqu'un là où elle va. Il ne manquerait plus qu'elle se laisse avoir, sans filet, dans une mission qu'elle était réticente à remplir.

- Les héros ne commencent pas toujours une fois diplômés, lui avait dit le principal Nezu. Certains commencent plus tard, et d'autres commencent avant. A toi de voir. Quel genre de héros tu veux devenir ? Celui qui suit les règles, ou celui qui les protège ?

Tout de suite, ça faisait sens dans tout ce qu'elle avait espéré jusque là, tout ce qu'elle voulait pour elle, mais pas seulement. Depuis quelques temps, elle a l'impression de savoir où elle va. Que les autres n'en soient pas au courant ne la dérange pas. Elle a perdu l'habitude de jouer collectif, de toute façon. Faire équipe de façon bien plus discrète comme ça l'attire particulièrement.

- J'ai envie d'y aller, maintenant.

Elle se regarde une dernière fois dans le miroir. Sa silhouette de camouflage se voit à peine dans la pénombre, mais alors dans les couloirs éteints, elle se doute que personne ne pourra la voir. Les caméras... elle en fait son affaire. Ou plutôt, elle laisse son camarade secret s'en charger. Oui, cette fois, elle peut faire confiance, elle le sent. Après tout, n'es-ce-pas là sa meilleure chance ?

Elle ouvre sa fenêtre, pose un pied sur la balustrade, regarde rapidement en bas, confirmant de ses sens l'absence totale de monde à l'extérieur, et elle saute, transformée en chauve-souris.

La créature vole plusieurs minutes avant de trouver le bon étage, dans lequel elle s'introduit sans difficultés, par une autre fenêtre entre ouverte. Non, le plus complexe, dans son affaire, c'est de matérialiser ses vêtements en même temps qu'elle ne se transforme, et ça, c'est quelque que tous les polymorphes ne peuvent pas faire. C'est en cela qu'elle se démarque le plus : la capacité de modifier la matière, ou de la créer, quelle que soit sa forme, sa nature, ou son vivant.

C'est quelque chose que Saryū doit sûrement maîtriser partiellement aussi, c'est souvent comme ça, avec les polymorphes élémentaires. Ils ne peuvent en revanche pas toujours dissocier leur corps de leurs vêtements, ce qui est à leur avantage, ils n'ont plus qu'à redevenir eux-mêmes. La transformation des vêtements, en revanche...

Elle secoue la tête.

- C'est pas le moment de penser à ce genre de choses, cocotte. Mets-toi au travail.

Taeko soupire en écoutant les sons alentours. Mis à part le bruit de sa respiration, elle n'entend rien. L'absence de froissement, expirations, ou pas la dérangent. Surtout que la journée, l'endroit est vivant comme s'il était hanté par les centaines de milliers de feuilles administratives volantes.

Il n'y a pas un chat. Ni dedans, ni dehors. Son partenaire a fait un excellent travail de reconnaissance, et la jeune métamorphe prend pleinement conscience du travail qu'on lui a confié. Faire ce genre de choses, pour faire ses preuves, ce n'est pas juste rentrer dans une épicerie, et voler un paquet de bonbons. C'est plus... dangereux, et en même temps...

Taeko progresse lentement dans les couloirs, pour être sûre de ne pas réveiller les détecteurs de mouvements cachés dans les caméras. Elle tourne une fois, une autre, lance un dernier regard derrière elle, et avise finalement la porte du principal, à l'autre bout. Les ultra-sons dont elle se sert pour progresser la guident sans qu'elle n'ait besoin de forcer sur ses yeux.

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