24.1. Cet endroit où on puise notre courage

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Juillet 3517


Taeko sort de l'école, en se disant qu'elle allait peut-être manquer sa séance d'entraînement en solitaire, pendant que les autres feraient leur renforcement, mais qu'à la place, elle ferait de la pratique. Un mal pour un bien, en somme. Alors elle s'arme de son crayon, passe la sécurité sous la forme de son chaton noir de prédilection, pour se retransformer deux rues plus loin. Elle commence par se retirer le crayon de la gueule, les crocs encore saillants.

- Ils ont de sérieux problèmes de sécurité, eux, souffle-t-elle ensuite en convertissant sa fourrure noire en veste de cuir tout aussi sombre.

Penser qu'un chaton peut passer et faire des allées et venues... à moins que le principal le sache, et laisse délibérément cette partie de la surveillance un peu plus relâchée. Elle ne peut s'empêcher de se dire que si elle le voulait, en dépit de sa fonction, elle pourrait certainement escalader le mur, et se promener en ville toute la nuit.

Elle se secoue un peu, et commence à marcher. Elle doit être revenue dans une heure, top chrono. Ce n'est pas beaucoup, quand elle doit marcher quinze minutes déjà jusqu'au point de rendez-vous. La jeune métamorphe le fait tout de même, d'un pas décidé.

Avec précautions, elle suit le plan sur son téléphone, qu'elle a dessiné la veille, sans passer par Internet. Elle ne voulait pas qu'on la considère négligente, ou qu'elle ne prenne pas au sérieux la mission qu'on lui a confié. Mais en tombant nez à nez avec la personne qui l'attend visiblement dans cette ruelle puante, elle comprend que c'est elle, qu'ils ne prennent pas au sérieux. Cette idée la met à la fois en colère, et la rassure en même temps.

Lorsqu'elle s'est levée ce matin, elle se disait qu'elle devrait faire attention, améliorer son jeu d'actrice, et se faire sa place dans « l'entreprise », pour atteindre les objectifs du principal. Maintenant, elle se rend compte que ça n'aurait pas été juste, envers ses efforts, que ce soit aussi simple.

Alors elle laisse ses cheveux se teindre d'un rouge sombre, et sa voix porter :

- Vous êtes ?

Son interlocutrice n'est pas beaucoup plus vieille qu'elle. Elle l'a simplement attendue comme on attend un livreur, dans sa tenue de soirée pailletée de la veille, et inspectant ses ongles vernis de bleu. Au moment où la métamorphe s'est adressée à elle, la jeune femme s'est redressée, l'a dévisagée avec un froncement de sourcils, avant de lever les yeux vers le ciel, agacée.

Taeko a développé un véritable talent, pour reconnaitre ce genre de détails. Détails qui lui permettent une copie parfaite des gens dont elle prend l'apparence, et les mimiques. La fille croise les bras, prête à lui lancer qu'elle est en retard, et cependant interrompue net par la lycéenne :

- Je comprends qu'on n'a pas beaucoup de budget, mais quand même, ricane la métamorphe en regardant autour d'elle.

Les endroits sordides qui leur servent de couverture comme celui-ci, arrière d'une rue entière de restaurants et de leurs ordures, pourraient sans peine être oubliés, au vu des moyens mis en œuvres pour la petite soirée qu'ils avaient monté quelques semaines plus tôt. Taeko travaille mentalement son air méprisant tout en observant les murs décrépis, et les flaques huileuses sur le sol inégal.

- Je crois que vous vous moquez de moi, poursuit-elle. Où est mon correspondant habituel ?

- T'as vraiment rien dans la cervelle, ma pauvre fille ! C'est quoi, ce comportement ?! Saryū n'est pas à ta disposition ! Donne-moi le stylo, impose l'autre fille la main tendue.

Tous les traits de son visage se sont tordus en une expression de colère que la lycéenne savoure. Si elle sent qu'elle ne peut avoir confiance qu'en très peu de personnes en ce moment, et peut-être malgré elle, comme le lui avait Noa, elle sait qu'elle ne peut pas ne pas se fier à elle-même. Et toute sa frustration de la semaine passée se forme dans son esprit sous la forme d'une tempête qu'elle laisse s'échapper par sa bouche :

MétamorpheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant