11.2. Ce pourquoi elle se bat

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Mars 3517


Un soupir, puis, un cri étouffé.

Les deux mains fermement agrippées aux lanières de son sac à dos, Sera traverse le quartier. C'est un nouvel endroit. Elle n'a pas l'habitude de se promener ici le soir, et elle semblait avoir raison de le faire. Dans les beaux quartiers, les lampadaires ont beau être tous allumés dans leurs tubes gris clair neufs, les zones d'ombres sont bien plus sombres que celles des quartiers plus sales, dont les lumières jaunes vacillent, mais éclairent au moins le sol. Là, elle est obligée de baisser la tête, les épaules levées pour protéger sa gorge, et la cravate retirée, par crainte qu'elle se fasse attraper au cours d'une bagarre.

Ça lui est déjà arrivé, de manquer d'étouffer, à cause d'une erreur pareille. Et elle n'aime pas savoir que n'importe qui peut la regarder en détail traverser la rue. C'est peut-être d'ailleurs ce qui fait que, les sens en alerte, elle a entendu la supplique à sa gauche.

Contre le mur, dans l'espace noir entre une maison, et un lampadaire, elle peut voir la silhouette de deux personnes, des yeux de chats luisants lui servant à présent de repères. Tout d'abord, elle ne s'arrête pas, elle préfère réfléchir en marchant que d'attirer l'attention. Elle tente d'échafauder un fonctionnement, un comportement à aborder. Après tout, sa résolution de devenir un héros ne doit pas être ébranlé par si peu, mais elle n'a pas le droit d'utiliser son alter en public, et encore moins attaquer quelqu'un avec.

Elle réfléchit encore et se demande si la situation nécessite une intervention immédiate de sa part, ou si finalement, elle ne peut pas se contenter d'appeler la police. De là où elle est, elle ne peut pas voir quel est leur alter, elle ne peut entendre que leur genre, de ses oreilles sensibles de chien. Mais un homme ne devrait-il pas s'en sortir contre un autre homme ?

Elle s'arrête. Elle peut entendre le bruit de ses propres pas s'arrêter.

- Quoi ? Si c'est un homme, ça peut aller, mais si c'est une femme, c'est différent ? En quoi ? Si l'autre a la supériorité, peu importe comment, c'est n'importe quoi !!

L'entrée en contact de son sac avec la joue de l'agresseur, transformé en sac noir normal, lui fait penser qu'elle n'a pas lésiné sur les détails, et elle tonne, de sa voix de policier en uniforme, comme s'il rentrait chez lui après sa journée de travail. Somme toute, ce n'est pas un mensonge de situation, pour elle. Seulement de statut.

- Un flic ? Ici ?

L'homme ricane.

- Je rêve. Il fallait qu'il y ait quelqu'un ici ce soir.

- Vous allez bien, monsieur ? demande-t-elle en sortant une arme de service de son étui.

La faible lumière la met en valeur : chaque imperfection de son uniforme, et de ses mimiques faciales ne se verront pas dans la pénombre.

La victime acquiesce, faisant un pas pour se mettre derrière la figure d'autorité, qui tend un bras protecteur devant lui. C'est un homme aux cheveux d'un roux presque orange qui se tient devant Sera, et qui est presque de la même taille que la métamorphose qu'elle a prise pour intervenir.

- Ce n'était qu'une petite dispute, monsieur, argumente-t-il en levant les mains. Nous nous sommes un peu expliqué, si vous voyez ce que je veux dire.

- Donc extorquer de l'argent est sensiblement la même chose que s'expliquer avec violence ? réplique-t-elle.

Elle n'a pas assez de phrases toutes faites en mémoire pour mettre fin à ce conflit sans être ennuyée par qui que ce soit au cours de l'intervention. Juste assez pour se fondre dans la masse, et répondre à une question de la part d'un civil. Prier pour une aide supplémentaire serait franchement inutile pour le moment, mais elle ne peut s'empêcher d'y penser :

MétamorpheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant