La mort à en perdre l'esprit IV/IV

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Le plâtre avait cessé de se détacher du plafond, rendant la maison plus silencieuse que jamais. Un filet de sang cheminait désormais de la bouche de madame Briand, et soudain Alexandre ne sentit plus que ça. Le sang. C'était comme s'il l'avait sur la langue, ce goût de fer qui se répand quand on se mord la joue ou quand on lèche une cuiller. Pris de nausée, il se redressa contre la plinthe. La bouche pleine de sang et la tête pleine de brouillard. Ça tournait. Sa respiration se fit haletante. Il tenta de fermer les yeux mais la maison tourna de plus belle. Les larmes sur ses lèvres ajoutaient une touche saline au sang qui se mêlait à sa salive. Les gouttes qui avaient séché au coin de ses yeux lui donnaient une impression de saleté. Un profond dégoût le poussa vers la salle de bain où il faillit trébucher sur les décombres avant de vomir. L'eau qui coula créa un bruit de fond apaisant dont il s'aspergea le visage. Il frotta sa bouche, cracha le métal et le sel. Il frotta ses yeux et ses mains poussiéreuses. Doucement, l'étrange pureté de l'eau le réconfortait et, tandis qu'elle se déversait toujours dans l'évier, il sortit son téléphone de sa poche pour former le numéro d'urgence.

Il avait sept appels en absence. Ils avaient eu un accident. Le train avait déraillé. Olive était à l'hôpital. Mais ils étaient tous vivants.

Dans un élan de colère, il jeta l'appareil contre le carrelage, qui ne s'ébrécha pas même un peu. Il se laissa glisser contre la paroi de la baignoire, et sanglota à ne plus en recouvrer le souffle. Pourquoi n'était-il pas mort avec eux ?

*

Mandréline était allée chercher les fillettes et avait attrapé une main de chaque côté.

— On va où ? demanda Léa.

— On va voir un docteur, dit Mandréline en leur offrant son regard le plus rassurant.

Célia, la plus jeune, lui lâcha aussitôt la main et recula.

— Moi, j'aime pas les docteurs !

— C'est un gentil docteur, il va juste regarder si vous n'avez rien.

— On n'a rien du tout, rétorqua Léa avec un brin de défiance.

La cadette se renfrogna, avant de subitement fondre en larmes.

Mandréline inspira et s'accroupit face aux enfants.

— Qu'est-ce qui te rend triste ?

— C'est ma faute si Léa elle a mal. C'est parce que elle me protège toujours.

— Tu as mal, Léa ? lui demanda Mandréline.

Celle-ci secoua la tête.

— J'ai déjà eu pire à l'école, répondit-elle fièrement.

— A l'école ? fit Mandréline.

Ce n'était pas vraiment ce à quoi elle s'attendait.

— C'est ma faute, répéta Célia.

— Pourquoi tu dis ça ?

— Parce que, quand on m'embête, sanglota-t-elle, Léa, elle se bagarre.

Mandréline tomba des nues. Ce n'était définitivement pas du tout le schéma qu'elle avait imaginé.

— Léa se bagarre ? Pour te défendre ? C'est vrai, Léa ?

La grande sœur hocha la tête.

— Alors tu as beaucoup de chance, dit Mandréline à l'attention de Célia. Ta sœur doit t'aimer très fort, et je suis sûre qu'elle est très fière de veiller sur toi.

Les enfants de Bellegardane - T. 1 : MandrélineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant