Alexandre III

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Mandréline et Liam couraient dans tous les sens, complètement démunis en cas de mauvaise rencontre. Avec pour seules protections la combinaison invisibilisante du garçon et les couteaux de la jeune fille, ils n'avaient aucune chance face à de potentiels adversaires. Ils n'avaient plus ni Chasseurs ni métamorphes pour les défendre. Ils devaient se déplacer vite. Très vite.

— Bon sang, où il est ! dit Mandréline en grinçant des dents.

Liam n'était pas plus rassuré. Ils avaient fait le tour de l'abattoir putride, des machines destinées à la découpe et de celles prédestinées au broyage des os. Il n'y avait personne. Ils étaient même retournés vérifier la cellule et la chambre froide qui leur procuraient des frissons d'horreur. Ils hésitaient à redescendre. Peut-être qu'il était caché à l'intérieur des logements du rez-de-chaussée. Cependant, le combat faisait rage et les ouvriers ayant tous été transformés devant leurs yeux, les chances étaient minces à la fois d'y retrouver Alexandre et de survivre. Ils décidèrent donc de s'engager dans les étages supérieurs. Les couloirs étaient calmes et vides. Au bout d'un moment, les bruits du rez-de-chaussée ne leur parvinrent plus. Ils se sentaient coupés de la bataille, coupés des autres. Du moins c'est ce qu'ils croyaient, jusqu'à ce que Liam trébuche sur du vide.

— Des camouflés, murmura Mandréline par réflexe alors que le garçon s'écartait avec empressement du corps inerte.

Il déglutit, heureux d'avoir échappé à ce sort funeste grâce à l'intervention de Coumba. Sur leur chemin, les corps dissimulés s'accumulaient. Maintenant qu'ils en avaient découvert un, les autres leur sautaient aux yeux quand ils ne manquaient pas de tomber par-dessus.

— Ils sont tous morts ? chuchota encore la jeune fille.

— On dirait bien, répondit Liam, de plus en plus mal à l'aise dans sa combinaison. Je ne comprends pas, finit-il par ajouter. Il n'y avait personne quand j'ai rejoint Coumba.

— Ils ont peut-être pensé qu'ils vous avaient tous eus... et puis ils ont dû descendre.

Liam frissonna en songeant qu'il avait sereinement épluché les dossiers, ne se doutant pas une seconde que les autres apprentis avaient perdu la vie quelques instants plus tôt.

— Ils n'avaient rien pour se défendre, dit-il tristement.

Ils repassèrent dans la salle des archives, passèrent au peigne fin les salles vidées de leurs victimes féminines. Rien.

— D'après le plan que Coumba a envoyé sur les téléphones, en haut, il n'y a plus que le bureau d'Armin. Qu'est-ce qu'on fait ?

— On y va.

— C'est le bureau du wendigo originel, tu sais, celui contre lequel on a constitué une équipe entière ?

— Tu préfères redescendre ?

— Vraiment pas. Mais si Armin...

— Tu peux attendre ici, si tu veux. Tu as raison, c'est dangereux.

— Tu ne vas pas y aller toute seule ?

— Je veux y aller, et je ne veux pas t'obliger à te mettre en danger.

— Quel danger ? dit-il en rajustant sa cagoule. Je suis indétectable !

Mandréline le regarda un instant, mi-attendrie, mi-inquiète. Ce n'était pas tout à fait vrai, si l'on considérait les cadavres qui avaient encombré leur ascension. Mais leurs possibilités étaient réduites, et le temps pressait. Les prisonniers devaient déjà être dehors. S'ils ne trouvaient pas vite Alexandre, ils ne le retrouveraient plus jamais.

— Quand même, ajouta Liam d'une voix hésitante, il faudra faire vite.

— Je sais. On le trouve, on l'attrape, et on s'en va.

— Tu sais que c'est un sauvetage et pas un kidnapping ? plaisanta-t-il avant qu'elle ne lui fasse signe de se taire.

Le palier se composait d'un petit hall au bout duquel s'ancrait une pièce à la porte entrebâillée. Ils avancèrent prudemment, mesurant le poids qu'ils mettaient dans leurs pas, contrôlant leur respiration jusqu'à se figer de concert.

— Entrez, avait prononcé une voix suave.

Les enfants de Bellegardane - T. 1 : MandrélineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant