Des crocs et des crayons I/III

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Caleb gara le 4x4 dans l'allée de la villa puis tendit la main vers la portière arrière, mais celle-ci lui rentra brutalement dans le ventre. Il retint un juron.

— Me crois-tu complètement sénile ? lui lança Aby sans demander pardon au jeune homme qui ferma les paupières le temps de recouvrer son calme.

Les Loups guérissaient vite, ils n'étaient pas insensibles à la douleur pour autant.

Réveillée par l'arrêt subit du moteur, Mandréline sortit de la voiture à son tour, puis sonna malgré l'heure tardive. Katharina leur ouvrit, s'abstenant de tout commentaire en découvrant l'accoutrement négligé d'Aby. Les yeux injectés de sang, la voix éraillée, elle rassembla ses invités dans le salon. Comme Matthieu, elle n'avait qu'une envie : aller chercher Chiara. Cependant, leurs pistes étaient moindres. Leurs hypothèses ne valaient rien. Ni celle de la rançon, ni celle du serial killer. Finalement, ils ne savaient rien. Seulement que Chiara avait été kidnappée, que son père avait disparu avant elle, et qu'Alexandre avait manqué à sa parole. Elle ignorait comment ils s'y prendraient pour la retrouver, mais ce soir, aucun d'eux n'était capable d'y réfléchir intelligemment. Refoulant un relent acide en provenance de l'estomac qu'elle contractait depuis que Mandréline lui avait annoncé la terrible nouvelle, elle avala une gorgée d'eau avant d'expliquer :

— Nous sommes sept. Il y a quatre chambres. La chambre de mes parents, la mienne, la chambre d'amis et celle d'Agata, termina-t-elle d'énoncer d'une voix plus confuse que souhaité.

L'accumulation de fatigue et d'émotions mettait à mal son assurance travaillée.

— Mis à part la dernière, elles comportent toutes un lit deux personnes. Personne dans ma chambre, zéro fricotage. Est-ce que c'est clair ? parvint-elle à ordonner sévèrement.

— De toute façon, il n'y a pas de couples, répondit Liam avec une infinie innocence qui amusa Olive.

Caleb proposa à Aby de partager une chambre, ce que celle-ci refusa promptement.

— Et puis quoi encore ! Je prendrai la chambre de la servante.

— Aby, on ne dit plus servante, chuchota Caleb, mal à l'aise.

Certains faillirent préciser que la pièce se situait au dernier étage, et que la gouvernante était morte. Récemment. Mais la détermination de la grand-mère leur cousit les lèvres.

— C'est au troisième étage. Il y a une douche et une cuisine. Il reste donc deux chambres pour cinq personnes. Vous pouvez aussi dormir dans le salon, termina Katharina. Mais pas de chaussures sur les canapés. Si vous abîmez quelque chose, vous le remboursez.

Elle leur tourna le dos, lasse de jouer à l'employée d'accueil alors qu'elle contenait ses sanglots, les mains tremblantes et les genoux près de fléchir.

— Ah et, à l'exception de Liam, interdiction à quiconque de toucher à la nourriture, sinon c'est dehors, ajouta-t-elle.

Aby ramassa sa valise et la monta à l'étage, décidée à empêcher ces jeunes de l'infantiliser. Il fallait faire bonne figure mais tout de même. Olive et Mandréline, ainsi que Luna, s'installèrent dans la chambre conjugale. Olive s'affala amoureusement sur les draps de soie, dévorant des doigts la douceur du tissu.

— Alors c'est ça que ressentent les grands de ce monde ?

Égayée par son émerveillement, Mandréline enfila un pyjama propre. Olive fouilla son sac à la recherche d'un t-shirt et, une fois allongées, Luna sauta entre elles.

— Ses parents ne risquent pas de nous expulser ? demanda Mandréline.

— Faudrait déjà qu'ils soient là pour ça. On verra quand ils rentreront. Pour l'instant, dit-elle en s'enfouissant sous les couvertures : profitons de cette divine sensation.

Les enfants de Bellegardane - T. 1 : MandrélineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant