La Commandante III

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Caleb apparut dans l'entrebâillement de la porte.

— Qu'est-ce que tu fous là ?

— J'ai entendu Mandréline pleurer et..., dit-il en se frottant la nuque.

— Ah. Ton pouvoir de Loup, c'est ça ? Ben viens, maintenant, reste pas planté là comme un benêt.

Conscient qu'il arrivait comme un cheveu sur la soupe, il se cala dans un coin de la pièce.

— Qu'est-ce qui se passait, cette fois ? demanda Olive. D'habitude, c'est du vieux, que tu rêves, non ?

Mandréline hocha la tête après avoir reniflé un peu trop bruyamment à son goût. Elle attrapa un mouchoir sur la table de nuit. Lentement, le voile du monde des rêves se levait et la libérait de ses flots d'émotion.

— Tout ce que je sais, c'est que j'ai vu ma mère. Et qu'elle souffrait. Elle transpirait, et j'avais tellement chaud, comme si...

Elle fit une pause, gênée par ce qu'elle allait dire.

— Comme si quoi ?

— Comme si j'étais entourée par la fourrure d'un loup.

Caleb frémit, ne sachant que penser de cette confidence.

— Mais ta mère, comment tu sais que c'était elle ? Tu ne t'en souvenais pas, si ? Tu as dit que tu ne te souvenais de rien avant ta famille d'adoption, dit-elle, prononçant toujours « famille d'adoption » avec une haine ouverte.

— C'était juste... Je le sais, c'est tout.

— Tu fais souvent ce genre de rêves ? demanda Caleb.

— Si tu savais, taquina Olive, toutes les nuits elle me réveille !

— Et tu as vu ta mère ?

Mandéline opina du chef, les cils pleins d'eau. Les sourcils du garçon se haussèrent à l'unisson pour énoncer l'évidence :

— Ce sont tes souvenirs.

Au tour des sourcils de Mandréline de se lever.

— T'as l'air bien sûr de toi, l'animal occulte ! lança Olive.

— Ils sont peut-être légèrement modifiés, mais ça me semble clair.

— Alors mes dessins, c'est bien ça ? Ce seraient bien mes souvenirs ? demanda Mandréline qui tentait vainement de recomposer le puzzle de sa vie.

— Aucune idée.

— Attends, tu te fiches de nous, là ? Elles sont où, tes grandes certitudes de Loup magique ? jeta Olive.

— Ce n'est pas la même chose, et je ne suis sûr de rien. Mandréline est la mieux placée pour savoir de quoi il s'agit. Mais je crois avoir déjà entendu ce genre de phénomènes au royaume de Bellegardane.

— Le royaume de quoi ?

— C'est le monde occulté d'où nous venons, Aby et moi. J'étais enfant alors mes propres souvenirs sont assez flous, sans parler du fait qu'à Loumadaer...

Il s'arrêta dans son discours, passa une main sur sa nuque.

— Eh ben, quoi, à Loumadaer ?

— Eh bien il n'y a que des Loups.

— Et les Loups ne combinent pas les malédictions, souffla Mandréline.

— Ce genre de capacité n'a pas d'origine maudite, lui assura-t-il immédiatement. Mais les Loups ne sont que des Loups. Malédiction ou pas, les pouvoirs ne se mêlent pas.

— Dis-moi, vous êtes pas un peu racistes sur les bords ? rebondit Olive.

Caleb esquissa un sourire.

— Nous avons le droit de nous reproduire entre espèces ou détenteurs de pouvoirs différents, mais le fruit de ces unions ne possède que l'une des deux facultés. Les hybrides n'existent pas.

— Donc mon père pourrait être un Loup sans que j'en sois un ? supposa Mandréline.

— Tu crois que ton père est un Loup ? s'étonna Olive.

— J'en sais rien. C'est cette fourrure, j'ai pensé à Caleb. Enfin aux Loups, s'emmêla-t-elle en rougissant.

— C'est tout à fait possible, oui, sourit Caleb.

De toutes ses fossettes.

— Ton dessin de Loup, fit Olive. On pensait que c'était Caleb, mais c'en est peut-être un autre ?

Instinctivement, Mandréline porta la main à son pendentif. Son père un Loup ? C'était difficile à concevoir, et en même temps, c'était assez logique si on prenait les éléments bout à bout. C'était excitant, aussi. Pour elle qui avait toujours imaginé des parents biologiques fades et lâches, penser à un père aussi fantastique était réconfortant.

— Bon, c'est charmant d'être venu voir comment mon amie se portait, mais ça va, maintenant. Si on essayait de se rendormir ? suggéra Olive qui avait le sentiment de partager sa chambre avec un nouveau-né qui ne faisait pas ses nuits.

— Je vous laisse, comprit Caleb. Bonne nuit.

— Bonne nuit, lui sourit timidement Mandréline.

— Que c'est envahissant, les loups-garous, rouspéta Olive en se pelotonnant sous les draps.

— Tu exagères, gronda-t-elle gentiment.

Luna miaula, s'étira et bondit entre elles.

— Tu vois, ta Gardienne est d'accord avec moi. 

Les enfants de Bellegardane - T. 1 : MandrélineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant