Sombre morsure I

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Ils avaient fui à toute vitesse, distançant les wendigos qui ne leur avaient pas couru après. Armin mort, les nouveaux monstres n'étaient plus que pulsions décousues. Seul comptait leur appétit.

Lorsque Curtis jugea qu'il s'était suffisamment éloigné de l'usine pour mettre les enfants à l'abri, il avait atteint la ville voisine. Concentré sur son objectif, il n'avait pas prononcé un mot de tout le voyage. Il rangea la voiture à l'intérieur d'un garage désaffecté et sortit en trombe, suivi de près par les passagers conscients. Les cavaliers des Loups, éreintés d'avoir dû tenir en équilibre sans dégringoler à gauche ou à droite, en descendirent avec soulagement. Coumba émergea du véhicule, l'air engourdi mais vivante, ce qui rassura tout le monde. Liam plus que les autres, refoulant son envie de la prendre dans ses bras. Il la connaissait certes davantage, mais ils n'avaient passé que quelques jours ensemble, et l'apprentie camouflée dégageait une retenue que même lui ne s'imaginait pas perturber.

— Est-ce que quelqu'un veut bien m'expliquer ce qui se passe ici ? demanda Curtis avant de fustiger son fils encore tout sourire. Et pourquoi tu n'as pas répondu à mes appels ? J'avais pourtant été clair !

— Ce serait avec plaisir, papa, dit Liam en évitant soigneusement le reproche, mais il y a plus important là tout de suite, dit-il en désignant l'arrière du véhicule.

En effet, si Coumba s'était enfin réveillée, Olive, elle, demeurait inconsciente.

La Louve choisit cet instant pour reprendre forme humaine, faisant bondir le policier en arrière, qui n'avait évidemment pas compris ce qu'étaient exactement les Loups. Désarçonné par sa nudité, il lui jeta une couverture issue du coffre, sans trop s'approcher pour autant.

— Que lui est-il arrivé ? demanda-t-il à propos d'Olive.

— Ce sont les wendigos, dit Liam.

— Les wendi-quoi ?

— Les créatures.

— Elle a déjà été blessée à cet endroit, les griffures ont réouvert ses anciennes plaies, dit Mandréline dans une moue inquiète en examinant la chair en lambeaux de son amie.

Tout à coup, elle sentit le souffle chaud du Loup dans sa nuque. Elle pivota et il l'écarta de son museau. Elle resta pourtant exactement où elle se trouvait. Le regard qu'elle lui offrait ne dégageant qu'animosité. Le Loup jappa en baissant les oreilles, mais ne recula pas.

— Qu'est-ce que tu veux ? demanda-t-elle comme on assène un coup de massue.

Le Loup essaya encore, mais plus il la poussait, plus il entendait le pouls nerveux de la jeune fille accélérer. Comme elle ne lui laissait pas le choix, il la poussa plus fort, manquant la faire tomber.

— Hé, ça va pas ou quoi ? s'insurgea Matthieu juste avant Liam qui avait bondi pour la rattraper.

Silencieux, le Loup les ignora pour bousculer Olive sur le ventre.

— Il va la tuer ! cria Mandréline en fondant en larmes.

Curtis dégaina son pistolet, mais Liam, qui ne pouvait y croire bien qu'il n'y comprenait rien, posa une main sur celle de son père, qui rangea son arme sans défroncer les sourcils.

La blessure d'Olive était impressionnante. Caleb avait l'habitude de plaies qui cicatrisaient en un instant. Ici, on ne reconnaissait plus les différentes couches de peau. Il n'y avait plus qu'un enchevêtrement de lanières de chair sanglante. Le soupir de Caleb s'exprima à travers ses naseaux. Puis, provoquant l'épouvante générale, il planta ses crocs dans le dos, laissant l'occultine pénétrer les veines, avant de reprendre forme humaine à son tour.

Les enfants de Bellegardane - T. 1 : MandrélineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant