Le retour des créatures III/IV

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Dans la salle de bain, Mandréline se jeta sur la cuvette des WC. Le relent acidulé traversa sa gorge et ses narines, et quand elle se rinça, elle fondit en larmes.

Pas parce qu'elle avait peur.

Pas parce qu'elle avait mal.

Mais parce qu'elle se sentait triste. Plus triste que jamais.

Une boule en travers de la gorge. Son estomac compressé dans des serres. Sa tête pressurée à en exploser.

Comme dans ses cauchemars.

Olive frappa à la porte.

— Hé, chuchota-t-elle. Ça va ?

— Ça va. J'arrive.

Elle se rinça une dernière fois, se regarda dans le miroir et essuya sa peau rougie.

— J'ai eu mal au ventre, justifia-t-elle en sortant.

— Sacré choc, hein ? Mais je peux te dire qu'en comparaison du croque-mitaine albinos, je l'ai trouvé plutôt sympa ! Par contre, Liam, une mauviette, il s'en remet toujours pas. D'ailleurs là ils sont seuls dans la chambre, je suis sûre qu'il est traumatisé.

En effet, ni Liam ni Caleb n'avaient bougé d'un poil.

— Alors, tu nous expliques pourquoi t'es « comme ça » ? lui demanda Olive.

Mandréline chercha ses yeux du regard, mais la couleur ambrée avait laissé place aux deux prunelles presque noires, qui s'étaient elles aussi plongées dans ses yeux, et dans lesquelles Mandréline identifia la déception.

— Je suis né comme ça, répondit Caleb avant d'ajouter, comme pour clore la discussion : et je suis le dernier.

Après quoi, il quitta la pièce.

— Qu'est-ce qui lui prend ? demanda Liam. Il nous annonce que c'est un loup-garou et puis il s'en va comme ça ?

Olive haussa les épaules.

— Faut croire que les créatures magiques ont mauvais caractère. Allez, déguerpis, maintenant.

— Hein ?

— Tu crois quand même pas que tu vas dormir avec nous ?

— Mais...

— Toutes les bonnes choses ont une fin, Jensen, et là, c'est la fin.

Ce soir-là, Mandréline garda les yeux ouverts des heures durant. Un poids lui écrasait les poumons, des étincelles l'électrisaient. L'angoisse et l'excitation, entremêlées et indéchiffrables.

Le lendemain, elle se réveilla la tête prise dans un étau. Elle avait encore rêvé, mais certains événements étaient bien réels. Comme le monstre, ou Caleb. Elle se tourna vers Olive qui ronflait encore, de la bave coulant jusqu'au menton. Ce n'était pas le nouveau départ qu'elle avait envisagé mais une chose était sûre : elle ne s'ennuyait pas. Le ronflement fut subitement entrecoupé d'interférences, et Olive s'éveilla, étouffée dans sa propre salive.

— Hé, fit-elle en essuyant sa bouche du dos de la main. Tu m'observes depuis longtemps ?

— Tu en as encore, répondit-elle en pointant son menton.

Sans écoper d'une tape sur la tête, traitement exclusivement réservé à Liam, Mandréline rejoignit les autres avec Olive. Aby sirotait gracieusement son thé, examinant les jeunes par-dessus la tasse. Caleb, silencieux, était attablé de façon à se faire oublier, Liam à l'autre extrémité. Katharina dictait les conduites de chacun jusqu'à la personne devant passer la confiture et celle devant remplir la cruche d'eau. Matthieu, infatigable, lança après avoir mordu sa première bouchée :

Les enfants de Bellegardane - T. 1 : MandrélineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant