Un bonbon ou un sort ? I/II

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PARTIE 2 : SAISON ESTIVALE

Malgré les réticences de Liam, qui avait habilement refusé chacune des tentatives de sa famille pour lui rendre visite à Vrennes, Curtis Jensen fit l'aller-retour sous le soleil de plomb qui avait progressivement succédé aux tempêtes, aux orages et au froid.

Sept jours exactement après l'annonce d'un été en pleine saison automnale, le soleil s'était mis à briller. Les jeunes avaient envahi le lac, vêtus de shorts et de robes légères, ballons de volley sous le bras et packs de bières en mains. Les vendeurs de glace avaient vu leur chiffre d'affaires grimper, et il valait mieux ne pas s'éterniser pour déguster la crème glacée qui fondait en un clin d'œil. Très vite, plus personne n'était sorti sans un brumisateur ou une crème solaire pour pallier les températures extrêmes. Plus vite encore, le soleil s'était avéré agressif. Ne se contentant plus de briller, il brûlait, formant des plaques rouges sur les peaux les plus sensibles, qui se défaisaient telles un serpent en mue. De violentes insolations frappèrent les enfants, les personnes âgées et les imprudents qui tombèrent en hyperthermie. Malades jusqu'à en avoir l'estomac à vif, acide, et la tête prise dans le mouvement incessant d'un tambour.

Au bout de quinze jours seulement, le diagnostic aberrant était révélé : la sécheresse sévissait. Toute activité non vitale, scolaire ou professionnelle d'extérieur fut proscrite jusqu'au retour des températures plus fraîches.

Les Jensen n'avaient cependant jamais raté aucune de leurs fêtes traditionnelles, et ce n'était pas une canicule qui les empêcherait de fêter Halloween ! C'est ainsi que Curtis embarqua son fils, Mandréline, et Olive dans sa voiture de fonction, Alexandre ayant poliment répondu qu'il préférait rester seul, réponse que ses trois colocataires connaissaient désormais aussi bien que leurs tables de multiplication. Depuis son retour à l'université, le garçon aux boucles d'or s'était encore davantage refermé sur lui-même. Il ne passait qu'en coup de vent pour se rendre à ses cours, ne mangeait que des plats préparés alors que Liam cuisinait tous les soirs, préférant s'isoler dans sa chambre. Ses phrases fétiches étaient devenues « Bonjour », « Bonne nuit » et « Non, merci ». Liam avait beau rivaliser en chaleureux sourires, Olive avait beau le menacer de faire démonter la porte de sa chambre, il ne cillait pas. Il ne semblait plus ni embarrassé ni intimidé, ne désirant que tranquillité et solitude, au grand dam de Mandréline, qui sentait en son for intérieur qu'il allait mal, mais ne pouvait rien y faire.

C'est donc non sans avoir usé toutes les stratégies possibles pour amadouer Alexandre que les trois amis grimpèrent dans la voiture de police. Liam s'installa entre les filles, sur la banquette arrière. Il aurait pu s'asseoir à côté de son père, mais il ne faisait jamais rien comme tout le monde, encore moins si cela pouvait faire râler Olive et rire Mandréline.

La petite maison des Jensen avait perdu son jardin de boue et ses algues de rivière. Si l'herbe n'avait guère repoussé, la terre était sèche et crevassée. L'air était lourd, irrespirable. Les arbres quasi nus, la chaleur exacerbait malgré tout la senteur de marrons qui émanait davantage des habitations que de la végétation.

Tâm Jensen les invita à entrer se rafraîchir et leur confectionna un thé glacé aromatisé à l'orange. Elle y avait ajouté une touche de gingembre, et des petits fantômes en papier décoraient les tasses à l'intérieur desquelles cliquetaient de gros glaçons. Mai et Jelena avaient débarqué en même temps que Charlie qui bavait de contentement. Les jeunes sœurs de Liam avaient foncé sur lui et ses amies, tout excitées à l'idée de les revoir et d'en savoir plus sur la situation à Vrennes. Elles leur proposèrent ensuite — et ce bien que la maison croule déjà sous les décorations — de les aider à découper yeux et bouches dans des citrouilles préalablement évidées, afin d'en disposer sur les meubles, entre les nombreuses petites sorcières qui volaient sur leur balai ou maintenaient leur boule de cristal entre leurs mains de résine. Des toiles d'araignées artificielles pendaient au plafond, et des squelettes souriants prenaient la pose entre les photos de classe. Même Charlie fut customisé, puisque déjà comique avec sa langue pendouillante, Liam l'habilla en un Maître Yoda pour le moins original.

Les enfants de Bellegardane - T. 1 : MandrélineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant