Badinons tant qu'il en est encore temps III/IV

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Katharina ouvrit la porte pour la trente-sixième fois de la soirée en regrettant d'avoir libéré Agata. Elle n'avait pour ainsi dire pas pour habitude de servir, et encore moins de faire le portier.

Dans l'encadrement de la porte se tenait un jeune homme. Grand, musclé, une tignasse brune et une fossette qui disparut immédiatement. Katharina se maudit d'avoir demandé à Chiara d'inviter tout le monde. Mais jamais elle n'aurait imaginé qu'il viendrait. Ils avaient beau chacun savoir que l'autre étudiait à l'université de Vrennes, ils ne s'étaient plus adressé la parole depuis qu'elle avait quitté leur chaumière.

Raide et froide comme un piquet de glace, elle le salua :

—Caleb Gayl. Tiens donc.

— Kat.

— Tu n'as pas emmené de petits copains avec lesquels te bagarrer ?

— Tes parents ne sont pas là ? répondit-il sur le même ton.

— Très classe. Avance, s'il te plaît, j'ai d'autres invités à accueillir.

Il ne se fit pas prier. Il connaissait son caractère glacial et n'avait rien à lui dire. Il n'était pas venu pour elle, et avait espéré ne pas la croiser. Ce qui était probablement naïf étant donné que la fête se déroulait sous son toit.

La musique était assourdissante et la maison sentait déjà autant l'alcool que la transpiration et le tabac. Le regard de Caleb croisa celui de Jura. Il était là, adossé au mur à l'autre bout de la piste, le narguant d'un sourire narquois, avec ses cheveux tellement enduits de gel qu'ils en avaient l'air gras. Caleb détourna les yeux, tentant de se concentrer sur autre chose. Ce n'était ni le lieu ni le moment de s'énerver. Peut-être aurait-il mieux fait de ne pas venir. Après tout, il avait horreur de ce genre de soirée. Les odeurs le répugnaient et les sons faisaient vibrer ses tympans de douleur. Quand il travaillait au café, il était obligé de les supporter, mais ici, c'était à la limite du masochisme.

Soudain, il la repéra dans la foule agitée de spasmes. La fille au chat noir. Mandréline, qui n'avait ni l'apparence d'une occultane, ni l'air d'en avoir conscience. Les paupières closes, elle se mouvait comme une vague sur les notes de musique. Elle paraissait libre, loin de la fille renfermée et méfiante qu'il côtoyait en cours.

Caleb s'avança, des questions plein la tête sans savoir comment les poser. Il voulait comprendre. Comment une fille aussi simple pouvait être aussi compliquée à la fois ? Puis il s'arrêta.

Comme si elle lui appartenait depuis toujours, le garçon qu'il avait vu lui agripper les fesses Chez les Trolls remit ça, par les hanches cette fois. Mandréline avait rouvert les yeux, mais aucun sourire n'avait étiré ses lèvres.

Caleb attrapa un verre qui traînait sur la table interminable et s'adossa au mur, en face de Jura qui s'amusait du spectacle.

Kyle pencha ses lèvres vers celles de Mandréline, mais fut aussitôt stoppé, son bras dans la main ferme d'Olive, qui le foudroyait du regard. Elle ne reconnut le serveur du mercredi que quelques secondes plus tard, tandis que Mandréline lui assurait que tout allait bien. Elle le lâcha, non sans lui lancer un de ces regards qui signifiaient « Si tu lui fais du mal, je te découpe en petits morceaux avant de les disséminer dans les cinq océans ».

Les deux tourtereaux s'éloignèrent donc, laissant Olive seule avec Liam.

— Tu vas vraiment te remuer de cette façon toute la nuit ? lui lança-t-elle un sourcil relevé.

Liam prit un air outré avant de saisir sa main pour la faire tourner.

— Tu préfères le rock ?

Les enfants de Bellegardane - T. 1 : MandrélineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant