En chasse II

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Armés des lance-flammes et malgré les basses températures, la deuxième équipe supprimait avec une fulgurante violence les wendigos qui gardaient les rues, déblayant le passage comme un désherbant l'aurait fait pour des mauvaises herbes. Si les créatures devaient fondre plus lentement en raison de la nouvelle saison, Mandréline n'en observa rien. Quelques mètres en arrière, se prenant de plein fouet les vagues de chaleur avant de plonger ses pieds dans l'eau gluante des cadavres, son sang s'était glacé pour tout autre chose.

Partout, les flaques prenaient une teinte rosée. Certains corps ne s'étaient pas liquéfiés. Auréolés de cloques, les vêtements déchiquetés par les flammes qui les avaient brûlés vifs, ils gisaient dans une odeur qui lui souleva le cœur.

— Rubis, souffla-t-elle main devant la bouche pour contenir sa nausée.

— Il faut continuer.

— Ils sont humains, chancela-t-elle. Je... Je pensais qu'on venait les libérer.

Rubis planta son regard inébranlable dans le sien :

— C'est une tactique. Ils veulent nous faire reculer en jouant sur notre pitié.

— Mais ce n'est pas leur faute !

— Ils nous auraient attaqués. Souviens-toi pourquoi tu es parmi nous.

— Je suis parmi vous pour sauver les humains !

— Ces humains sont du côté des wendigos !

— Mais ils ne le savent pas !

— Et tu crois que tu as le temps de leur expliquer ?

Les lance-flammes ne laissaient aucun répit aux créatures qui n'avaient pas le temps de perdre le contrôle de leur apparence, ne donnant aucune chance à Mandréline de déceler de quelle manière le feu les blesserait. Elle ne pouvait s'empêcher de se sentir soulagée lorsque les monstres fondaient, ou horrifiée lorsqu'ils brûlaient, les cris humains se mêlant aux cris stridents des choses maudites. Elle aurait voulu stopper les lance-flammes, mettre ces gens à l'abri. Au lieu de cela, elle les regardait mourir, impuissante. Parce que si le feu s'éteignait, les wendigos fonceraient sur eux. Et quel Chasseur l'aurait écoutée ? Même Rubis conservait son sang-froid. Elle savait pourquoi elle était là. Mandréline, elle, n'en était plus très sûre. Depuis le début, elle savait que ça risquait de virer au massacre. Mais dans son imagination, c'était elle, qui se faisait massacrer. Si elle supportait si mal de voir ses ennemis périr, comment supporterait-elle de voir mourir l'un de ses amis ? Elle devait absolument se ressaisir.

Quand la fréquence des barrages augmenta suffisamment pour pouvoir témoigner de ce que les attaquants armés de flammes faisaient à leurs semblables, les créatures se mirent à fuir vers l'usine. La cadence accéléra alors, les Chasseurs criant leur frustration et courant pour les atteindre avant qu'ils ne se réfugient dans l'immeuble qu'ils n'avaient pas le droit d'incendier.

L'estomac de Mandréline s'était noué en entamant la course, parce qu'elle devrait bientôt participer à la bataille. Une fois à l'intérieur, ce serait à elle, Olive, Chiara, Matthieu et Katharina de se battre, de s'exposer aux crocs et griffes jaunes pendant que Caleb affronterait le wendigo originel et qu'Aby et Massimiliano délivreraient les victimes. Tout cela en espérant retrouver Alexandre et quitter tous ensemble le bâtiment avant qu'il ne prenne feu.

A court d'oxygène, elle fut soulagée de s'arrêter avant de réaliser qu'ils se trouvaient déjà devant l'usine et que tous les wendigos qui avaient échappé aux flammes les attendaient à l'intérieur. Les Chasseurs de première ligne faisaient demi-tour au trot, laissant les griffeurs et lanceurs entrer en action, laissant Olive et Mandréline entrer en action. L'agglomération de monstres avait les yeux rivés sur eux. Des charbons ardents dans lesquels brillait la lueur de la faim.

Les enfants de Bellegardane - T. 1 : MandrélineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant