Sombre morsure III

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Le chagrin provoqué par la mort de Matthieu pesant sur chacun et Chiara se refusant à abandonner son corps, ils décidèrent de l'enterrer. Les deux Loups creusèrent une tombe sous un arbre dégarni à proximité du garage désaffecté, sous l'œil éteint de ses deux amies, pendant que les autres se reposaient dans la voiture ou contre les murs. Mandréline et Liam pleuraient Alexandre, tendrement étreints par Olive qui éprouvait des difficultés à voiler son émotion. Tout contre eux, Charlie gémissait sans comprendre pourquoi son jeune maître était triste.

Lorsque le trou fut assez profond, Curtis, Olive, Mandréline et Liam portèrent respectueusement le corps au centre de la terre. Chiara n'eut pas la force de prononcer un discours, alors Katharina endossa ce rôle. Elle conta les qualités du garçon, ses défauts aussi, afin de soutirer un maigre sourire à Chiara. Quand elles se sentirent prêtes, elles déversèrent une poignée de terre sur le corps endormi pour toujours. Ce fut ensuite au tour de Curtis, Liam, Mandréline et Olive. Enfin, les Loups le recouvrirent avec la terre qu'ils avaient extraite du sol.

Tous s'en allèrent pour laisser un moment à Chiara, qui décrivit de ses doigts quatre mots sur la terre retournée à côté de laquelle elle s'assit.

— Je t'aime aussi, lut-elle en relançant ses larmes.

Elle resta comme ça une heure, deux heures. Peut-être trois.

Il avait recommencé à neiger, et le soleil brillait depuis longtemps sur les flocons.

— Chiara ? revint soudain Katharina.

La jeune femme assise releva le menton. Son nez, ses yeux, ses joues étaient rouges. La neige dessinait des pointillés sur ses cheveux et sa combinaison de Chasseuse avait foncé sur son siège.

— Oh Chiara, tu es trempée, dit-elle en plaçant un bras autour de sa nuque. Viens, il faut rentrer, maintenant.

Dans le garage, Aby se changea en Louve le temps de prêter la couverture de Curtis à la jeune femme fourmillée de froid qui réintégra le groupe avec la drôle d'impression de ne plus en faire partie. Liam avait résumé la situation à son père qui, bien que celle-ci lui paraissait invraisemblable, n'eut d'autre choix que de se résoudre à y croire.

— D'ailleurs, papa, comment tu as su où nous étions ? demanda-t-il, la voix enrouée par les événements.

— Je suis policier, fiston, j'ai mené mon enquête. J'ai fini par tomber sur vos avis de recherche. Comment vous êtes-vous fourrés dans ce pétrin ? En discutant avec deux ou trois passants, j'ai vite compris d'où provenaient les affiches, mais il était impossible d'entrer avec tous ces gardes, alors je suis resté planqué à proximité. Puis le signal de ton smartphone s'est réactivé et ...

— Le signal de mon smartphone ?

— ... Il faut bien que je te surveille.

— J'y crois pas, tu l'avais déjà fait avant ça ?

— J'ai mon petit équipement, c'est vrai, dit Curtis, content de son attirail. Ensuite, tout est allé très vite. Les combats avec ces créatures faisaient un boucan...irréel. Ce qui m'a le plus étonné, c'est que beaucoup d'habitants ne s'en inquiétaient pas tant que ça. Ils avaient l'air d'agir comme à leur habitude.

— Parce que tout ce qui leur importait c'était leur bouffe, dit Olive. Ça se comprend, et pour ça, valait mieux pas trop se mêler des affaires du patron, visiblement.

— Je vais rejoindre le QG, annonça soudain Coumba.

Elle était restée en retrait tout ce temps, ne trouvant pas sa place dans les émulsions de larmes.

Les enfants de Bellegardane - T. 1 : MandrélineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant