Roulez, roulez si vous le pouvez I/II

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— Quoi ? s'exclama Mandréline en regardant en arrière.

Liam se baissa sur son siège de manière à se rendre indécelable. Son soulagement avait été de courte durée.

— Imbécile, les vitres sont teintées, dit Olive qui fit tout l'inverse, levant les yeux au ciel en se détachant pour mieux voir.

Derrière le second 4x4 roulaient deux camionnettes.

— On va leur faire faire un détour, improvisa Caleb en prenant un tournant. S'ils trouvent les Chasseurs, c'est fini.

— Il faut prévenir les autres, dit Mandréline.

— J'ai le numéro de Kat sur mon téléphone, appelle-la, dit-il en le sortant de sa poche.

— C'est quoi le code ?

— 2294.

— Allô ? répondit Chiara.

— On est suivis, dit Mandréline.

— On a remarqué. Qu'est-ce qu'on fait ?

— Un détour. Mais, continua-t-elle en se tournant vers Caleb, on va devoir s'arrêter, pas vrai ?

Il hocha franchement la tête.

— C'est le moment de montrer que vous voulez les combattre, répondit-il peu convaincu. Ils ne s'arrêteront que lorsqu'on s'arrêtera.

— Mais on n'est pas armés ! s'exclama Chiara.

— On a trois métamorphes, un couteau..., énuméra Mandréline en réfléchissant à haute voix.

— Et une carabine, ajouta Katharina sans perdre la route de vue.

— Combien ils sont ? demanda Olive assez fort pour que sa question soit transmise.

Mandréline activa le haut-parleur.

— Impossible à dire. Au moins douze, dit Chiara.

— On va tous mourir, geignait Liam qui se sentait pétrifié de l'extérieur et trembler de l'intérieur.

— Vous avez un briquet ? Des allumettes ? demanda Caleb en virant à gauche.

— Mon sac en est rempli, fit Olive.

— Et les autres ?

— Ils en ont aussi, confirma Mandréline.

— Parfait. Il y a un site Seveso* un peu plus loin. Il doit plus y avoir personne, par contre...

— Par contre, il doit rester de quoi foutre le feu, comprit Olive.

— C'est quoi un site Seveso ? demanda Liam.

— Plus tard, les explications.

— Quand je vais arrêter la voiture, ça va aller très vite, reprit Caleb. Aby, Luna et moi, on va les occuper. Pendant ce temps, vous trouvez la matière inflammable, je crois que c'est du gasoil, et vous en tapissez l'intérieur. Vous attendez qu'on les dirige vers le bâtiment, vous allumez, on ferme les portes, et vous remontez directement. Ça ira ? se retourna-t-il vers Mandréline, qui se tourna vers ses amis avec la même question silencieuse.

— Ça ira, répondirent en chœur les deux filles.

— Chiara, vous avez entendu ? demanda Mandréline.

— Oui, nous sommes prêts, mais nous serons sûrement plus lents...

Mandréline eut une pensée pour le père de Chiara, la main toujours sur le cœur et le souffle toujours court. Il n'avait aucune chance de survivre à la vivacité des wendigos. Inquiète, elle leva les yeux sur Caleb, dans lesquels elle crut lire les mêmes craintes.

— Et si des gens travaillent encore dedans ? les interrompit Liam.

— Espérons que ce ne soit pas le cas, répondit Caleb.

— Ça ressemble à quoi du gasoil ? C'est dans des barils ?

— Je suppose. Préparez-vous à courir, on y est, annonça-t-il en ralentissant.

Le 4x4 garé, une crampe tordit la poitrine de Liam, et bien que n'en laissant rien paraître, les deux filles n'étaient pas plus confiantes. Dans un mouvement simultané, Mandréline et ses amis sautèrent en-dehors de la voiture pour foncer vers le hangar cerné de gigantesques cuves. Caleb avait bondi en se couvrant de fourrure, en même temps que Luna qui avait repris l'apparence d'une panthère aux yeux injectés de sang. Aby sortit du 4x4 et se métamorphosa sans se dépêcher, mais sans quitter des yeux les camionnettes qui ralentissaient. Juste devant celles-ci, la voiture de Katharina freina, libérant ses occupants. Les jeunes coururent, Chiara tirant Massimiliano par la main et Katharina armée de sa vieille carabine de chasse, vers la porte du bâtiment abandonné devant laquelle Mandréline et ses colocataires se trouvaient encore.

— Qu'est-ce que vous faites encore plantés là ? cria Katharina.

— La porte est fermée ! répondit Mandréline, tout aussi paniquée de constater à quel point ils avaient été idiots de ne pas y penser.

Près des véhicules, les trois métamorphes grognaient, babines retroussées et fourrure tressaillant le long de l'échine, face aux hommes rouges qui étaient déjà descendus de leurs fourgons.

— Un peu de force surnaturelle serait la bienvenue, trépignait Liam.

— Pas besoin ! lança Matthieu en jetant son poids sur l'entrée, sans succès.

— C'est pas le moment de jouer aux imbéciles, s'impatienta Katharina. Cherchez plutôt quelque chose pour ôter le cadenas !

— Tu vois un pied-de-biche dans les parages ? rétorqua Olive d'un ton plus que sarcastique.

Si le site semblait abandonné, le sol était en effet dépourvu de débris et d'outils. Mis à part les cuves titanesques et les mauvaises herbes agonisantes, il n'y avait rien alentour.

— Olive, tu sais crocheter les serrures, non ? demanda Mandréline.

— T'as vu la gueule du truc ? C'est tout rouillé.

— Ça devrait être encore plus facile non ?

— Ça coûte rien d'essayer, dit-elle en attrapant une épingle dans sa sacoche, entendant les grognements se faire plus féroces.

Les wendigos avaient cessé de se faire repousser. Ils avaient laissé s'évanouir leur apparence humaine, découvrant crocs et griffes repoussantes. Leurs cris stridents, sifflants, accompagnaient leurs assauts. Du sang coulait déjà sur les pelages, les trois métamorphes peinant à leur bloquer le passage.

— Dépêche-toi ! somma Katharina tandis qu'Olive tournait la barrette dans tous les sens dans l'espoir de discerner un click.

— Le mécanisme est rouillé, ça marche pas !


*Entreprise ayant une activité liée à la manipulation, la fabrication, l'emploi ou le stockage de substances dangereuses.

Les enfants de Bellegardane - T. 1 : MandrélineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant