Voleurs II

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Chiara, enfouie dans les couvertures du lit à baldaquins, se redressa d'un bond. Ses cheveux collaient à sa nuque. La température ne baissait pas depuis le début de la sécheresse, mais surtout, ses nuits s'ébrouaient de cauchemars depuis son enlèvement. Elle avait beau faire bonne figure le jour, se prétendre à elle-même qu'elle n'en gardait aucune séquelle, les événements avaient laissé des traces sur son psychisme. Parfois, elle s'entendait penser à se blottir contre Matthieu qui voulait tant la protéger. Elle aurait apprécié se laisser bercer par ses promesses. Cependant, elle ne l'aimait plus. Plus comme ça. Elle ne pouvait pas se laisser aller à lui faire croire à des mensonges.

— Ne bouge pas, la retint Katharina qui était déjà levée. N'oublie pas que tu es recherchée, ajouta-t-elle devant son incompréhension.

En bas, Mandréline jeta un œil à travers le judas.

Une douzaine d'hommes vêtus de costumes vermeille patientaient dans l'allée.

— Alors ? la pressa Olive qui ne voyait rien.

— C'est eux. Il faut les cacher, chuchota-t-elle instinctivement pendant que les gardes de l'usine s'étaient mis à tambouriner à la porte.

— Qu'est-ce qui se passe ? demanda Katharina, habillée d'une nuisette bleu ciel ornée de dentelle, en descendant en trombe.

— Attrape ceux que tu trouves et planque-les en haut. Ils sont là, répondit Olive.

Katharina obéit pour la première fois sans rechigner, agrippant sur son chemin ceux qui restaient plantés dans le salon. Olive repoussa Liam et Matthieu de la cage d'escalier, les refourguant dans les bras d'Aby qui venait de quitter le grenier.

— Où est Caleb ? demanda la grand-mère.

— Je ne sais pas mais il faut vous cacher, madame, dit Matthieu en l'obligeant à remonter alors qu'elle cherchait son petit-fils du regard.

— Ouvrez ou nous enfonçons la porte ! hurlait celui qui maintenait inlassablement son pouce sur le bouton doré pendant que deux autres tapaient des poings et des pieds sur la porte.

Mandréline vérifia autour d'elle. Ses amis avaient tous disparu, réfugiés à l'étage. Elle inspira profondément, prit un air détaché. Ils ne la connaissaient pas. Tout se passerait bien. Sois naturelle, tout ira bien, se persuada-t-elle en déverrouillant la porte qui finirait bientôt en morceaux s'ils continuaient à taper dedans.

— Bonjour. Que puis-je pour vous ? demanda-t-elle sur un ton publicitaire qui n'avait rien de naturel.

Elle n'avait jamais été bonne actrice, mais là, elle décrochait l'Oscar du plus mauvais jeu. A peine eut-elle formulé sa question que le premier homme empoigna son bras, l'empêchant de remarquer l'ombre qui se formait dans la sienne.

— Tu vas nous dire où se cachent tes petits copains, dit-il dans un sourire cruel.

Ses lèvres perdaient de leur pulpe à mesure qu'elles s'étiraient pour dévoiler une dentition pointue. Un voile sombre couvrait ses yeux qui perdaient de leur éclat.

Ce n'était pas un simple homme de main. C'en était un. C'était un monstre, tel qu'elle en avait vu, visage sans corps disséminé sur l'herbe sèche.

Mandréline tenta de se défaire de l'emprise, mais le bras de l'homme s'allongea et ses doigts s'enroulèrent autour du sien comme ceux d'un squelette aux articulations trop longues. Elle venait d'ouvrir à douze monstres, et ils n'avaient que Caleb pour leur arracher la tête.

— Katharina, appela Aby, redescendue contre les ordres bienveillants de Matthieu. Il nous faut de l'alcool et des allumettes !

— Pardon ?

Les enfants de Bellegardane - T. 1 : MandrélineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant