Le retour des créatures I/IV

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Sitôt l'appel reçu, Caleb avait foncé vers les bois. Il n'avait pas pris le temps de décrocher. Il n'était plus l'heure de se cacher. Les portes étaient closes et le ciel noir. Rasant les murs, il s'élança à quatre pattes, ses vêtements se déchirant pendant l'Expression, sa fourrure emplissant les failles. Et ses pattes, puissantes, martelèrent le bitume, ombre féroce filant dans l'obscurité.

Le long de sa colonne vertébrale coulait l'électricité. Chaque pas était posé avec plus de vigueur que le précédent. L'urgence le secouait. Il mourait d'envie de hurler. Mais il savait que seule Aby entendrait son cri. Les maisons défilaient, si vite qu'il ne voyait que leur forme floue s'effacer les unes après les autres. Il aurait dû les accompagner. Il le savait, il les avait vues, lui aussi. Enfin, il atteignit l'orée du bois. Les panneaux se déployaient, les cailloux se coinçaient entre ses griffes.

La fétidité effleura sa truffe et l'odeur du sang chaud fit palpiter plus fort sa poitrine.

Olive était étendue sur le sol. Inerte. Son débardeur imbibé de son propre sang.

Non ! cria-t-il.

Mais seule Aby l'entendit.

A côté du corps au pouls imperceptible, la créature, élancée, immense, répugnante, plantait ses crocs avides dans les flancs de Liam. Caleb rugit, bondit sur la créature. A son tour, il planta ses crocs dans la chair glaciale. La créature était rendue folle. Ses yeux gorgés de sang cherchaient à se stabiliser en vain. Elle griffait et mordait l'air, mugissant d'une voix d'outre-tombe. D'un coup net, le Loup prit la tête crayeuse dans sa gueule. Et tandis que la chose continuait d'attaquer hargneusement, il lui arracha la tête, qu'il recracha promptement, la laissant rouler à quelques mètres de là.

Liam, qui était retombé près d'Olive, la main sur sa propre blessure pour contenir l'hémorragie, tenait son misérable bâton pointé vers le Loup.

— Va-t'en ! cria-t-il en sanglotant, les yeux exorbités de terreur.

Le Loup couina, les oreilles affaissées. Puis il retroussa ses babines, bondit sur lui, et Liam sombra à son tour.

Sitôt raccroché, Mandréline et Aby avaient accéléré le pas. Son poignard dans sa poche, Aby et Luna sur les talons, Mandréline courait, ne sachant trop vers quel désastre elle se dirigeait.

Dans la précipitation, Katharina n'avait pas prévenu Matthieu. Elle avait failli louper une marche en voulant récupérer la carabine de son père. Une fois le fusil chargé, elle avait couru vers le lac. Liam avait été très concis. Ils avaient besoin de renfort. Elle ignorait s'ils avaient retrouvé Chiara ou ses kidnappeurs, mais elle avait prié les dieux de toutes les religions pour qu'elle soit saine et sauve.

Ils atteignirent le bois à quelques secondes d'intervalle, rejoignant ensemble le lac où étaient censés se trouver Olive et Liam, qu'ils découvrirent inconscients, les vêtements gorgés de sang.

Mandréline se jeta à leurs pieds, ne notant pas immédiatement la présence du corps séparé de la tête monstrueuse gisant plus loin.

Elle appelait ses deux amis pendant que Katharina, en état de choc, ne quittait plus la tête sans corps des yeux. Sur les lèvres d'Aby se dessina un imperceptible sourire.

— Soulève leurs t-shirts, dit-elle à l'attention de Mandréline qui contenait difficilement ses larmes.

Elle ne comprit pas tout de suite.

— S'ils sont blessés, il faut s'en occuper rapidement, précisa la vieille dame.

Se mordant la lèvre intérieure, Mandréline attrapa le débardeur d'Olive. Le sang commençait déjà à sécher, durcissant le coton. Mais quand elle le souleva, elle resta coite.

Les enfants de Bellegardane - T. 1 : MandrélineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant