Sans prendre le temps de s'étirer, Liam sauta du lit, déboulant dans le couloir dans son pyjama à petits nuages, décoiffé et les yeux encore crasseux de sommeil. Autant dire prêt à fanfaronner.
Son sourire surexcité s'étendait jusqu'à ses grandes oreilles. La journée d'accueil terminée, c'était officiellement la rentrée. Dans un premier temps, il avait craint que les cours ne soient annulés en raison de l'incident. Les étudiants, la mascotte la première, avaient failli mourir — ou, de manière moins dramatique, être blessés — sous la cage de scène. Mais il n'en avait été fait aucun cas par l'établissement, qui n'avait pas même envoyé un mail d'excuses. Après tout, ce n'était pas la faute de l'université, mais celle du vent. Et puis, tout le monde commençait à s'habituer aux caprices climatiques. Les bourrasques, parfois très violentes, avaient sévi tout l'été. Dans son village, nombreux étaient les habitants qui s'étaient improvisés bricoleurs. Son père avait d'ailleurs essayé de l'y convertir, mais s'était vite résigné. Ses petites sœurs avaient pris le relais, salopettes attachées d'un seul côté pour plus de « style ». Lui s'était réfugié derrière les fourneaux, soutenant sa mère qui distribuait des petits gâteaux aux voisins à la moindre occasion.
Quoi qu'il en soit, ce jour était spécial. Il allait rencontrer ses camarades, s'asseoir dans un gigantesque auditoire. Le professeur ferait défiler son PowerPoint plutôt que d'écrire des mots illisibles au tableau. Son sourire s'élargit encore en repensant à ses cadettes, qui avaient boudé les deux dernières semaines de vacances sous prétexte qu'il les « abandonnait ».
— Debout, là-dedans ! cria-t-il joyeusement entre les chambres.
Mandréline jeta un œil à l'écran de son téléphone portable. Il affichait sept heures trente.
— On se réveille ! continuait-il.
— C'est quoi ce boucan ? ronchonna Olive, involontairement bousculée par Alexandre qui fonçait vers la salle de bain.
Elle allait embrayer une remarque cinglante mais Liam y coupa court en répondant à sa question.
— Faut se préparer, les cours commencent dans trente minutes !
— On t'a demandé de nous réveiller ? Tu connais même pas nos horaires.
Elle s'arrêta un instant, le brouillard façonné par ses rêves se dissipant peu à peu.
— Tu connais pas nos horaires, quand même ?
— Je n'y avais pas réfléchi, admit-il en réalisant que chacun avait un programme adapté, d'autant qu'il ignorait dans quelles facultés étudiaient les autres.
Olive roula ses yeux verts.
— Y a quoi au p'tit déj' ?
Tout à coup mortifié, il lança un regard vers le frigo. Aucun d'eux n'avait eu la présence d'esprit de faire des courses pour le reste de la semaine, et il avait déjà dévoré ses emplettes de la veille en cachette.
L'estomac d'Olive gronda sa frustration et Mandréline, à qui il ne restait que des barres chocolatées, se dévoua pour partir à la recherche de croissants. Luna sur les talons, elle atteignit la boulangerie en moins de cinq minutes, et en ressortit en moins de temps encore, un sachet en papier bombé à la main. Elle remonta la rue, inhalant le gaz des pots d'échappement des rares voitures qui roulaient encore.
— Dégage de mon chemin, fils de chienne !
Un étudiant aux cheveux gominés venait de cracher aux pieds d'un autre qui, d'une main, l'empoigna par le col.
— Redis ça et je te refais le portrait si bien que tu n'oseras plus jamais sortir de chez toi.
L'estomac de Mandréline s'était noué. Robuste, la mâchoire aussi carrée que sa stature, celui qui avait soulevé l'autre contre le mur l'avait fait comme s'il ne pesait rien, les pieds de ce dernier se débattant au-dessus des pavés dans une danse ridicule. Pourtant, il souriait, narguant effrontément son adversaire, qui n'avait pas l'air d'humeur à faire de l'humour.
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Les enfants de Bellegardane - T. 1 : Mandréline
ParanormalAccompagnée de sa chatte noire aux yeux violets, Mandréline fuit ses horribles parents adoptifs pour l'université. Mais depuis l'été, les catastrophes climatiques s'enchaînent, et la faim vient tenailler les habitants qui disparaissent mystérieuseme...