Un virage dangereux I/III

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Tâm Jensen confia des Tupperwares copieusement fournis à Olive et Mandréline. Liam, avec qui elle avait été particulièrement généreuse, bataillait avec la tirette de son bagage.

— Maman, comment tu veux que je ferme cette valise avec tout ça ?

Mai et Jelena boudaient à l'autre bout de la salle à manger. Les bus s'étaient remis à circuler depuis deux jours. La semaine de deuil international avait pris fin depuis ce qui devait déjà en faire une de plus et il était temps que les cours reprennent. Olive et Mandréline remercièrent toute la famille Jensen pour leur accueil inconditionnel, surtout madame Jensen qui s'était coupée en quatre pour toute la maisonnée. Cette dernière embrassa leurs fronts avec une tendresse dont aucune des deux étudiantes n'avait l'habitude, puis étreignit Liam qui fonça sur Mai et Jelena pour les embrasser.

— Bon ! On est partis ! J'espère que vous survivrez sans moi, je sais que je peux vite devenir indispensable et ...

Olive lui tapa une revue de cuisine derrière la tête.

— Aïe !

— Fais gaffe, Jensen, je pourrais y prendre goût.

Ils quittèrent le perron de la maison sous des regards amusés, s'enfonçant dans l'odeur nauséabonde qui se dégageait des rues jonchées des algues poisseuses qui étaient remontées de la rivière. Des sacs poubelles éventrés pendaient curieusement aux branches des arbres, rattrapés à l'aide de pinces à déchets. Une vieille dame nettoyait les algues qui collaient discrètement aux murs de sa maison, voisine d'une autre calcinée par les flammes d'un précédent incendie. Des vitres brisées, des barrières détruites, des toits partiellement arrachés continuaient de mobiliser les habitants de Verdiviers.

Les portes automatiques à peine refermées, le bus redémarra, si bien que Liam faillit tomber sur l'une des filles. S'éloignant rapidement du village, ils purent constater que les alentours avaient subi les mêmes préjudices, parfois avec plus de rudesse.

— Et toi qui dormais comme un loir..., fit Olive avant que le véhicule ne s'arrête subitement.

— Votre attention, s'il vous plaît : en raison d'un problème technique, le relais ne sera pas assuré. Terminus. En raison d'un problème technique, le relais ne sera pas assuré.

— C'est une blague ? lâcha Liam.

— C'était pas censé être réglé ? fit Mandréline.

— Quel trou paumé ! soupira bruyamment Olive.

Certains voyageurs firent demi-tour en maudissant la compagnie de transport, d'autres enchaînèrent les coups de fil pour qu'on vienne les chercher.

— A pieds, on peut être à la gare dans vingt minutes, dit Liam.

— Super ! dit Olive. On va rater notre train ! En plus on est où, là ? Ils pouvaient pas nous débarquer à un arrêt civilisé ?

La chaussée longeait les bois de Verdiviers.

— On peut atteindre la gare en les traversant ? demanda Mandréline qui avait vu Luna s'avancer vers la végétation.

— Je pense, mais avec la pluie, c'est peut-être pas une bonne idée, répondit Liam.

— T'as peur de quoi ? lança Olive. Si on prend pas de raccourci, on n'arrivera jamais à temps à la gare.

Luna déjà plusieurs mètres devant eux, Liam s'avoua vaincu. L'humidité avait exacerbé l'odeur de la terre, de l'écorce, de l'herbe et des champignons. Le sol était encore plus bourbeux qu'ils ne l'avaient imaginé, mais la tempête ayant abattu certains arbres, ils purent ménager leurs chaussures et leurs sacs en progressant par-dessus. Luna courait en tous sens, les pupilles et les narines dilatées par le bouquet musqué. Olive faillit glisser d'un rondin mais fut rattrapée à temps par Liam, qui se targua de cet exploit d'adresse durant les cinq minutes qui suivirent.

Les enfants de Bellegardane - T. 1 : MandrélineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant