La mort à en perdre l'esprit III/IV

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Les mains froides et les joues brûlantes, Chiara courait à n'en plus sentir ses pieds. L'orage, la tempête, s'étaient déchaînés alors qu'elle se rendait à son travail d'assistante à l'UV. Le ciel s'était assombri et les éclairs avaient assailli la ville. Elle s'était réfugiée à l'intérieur du bâtiment de la cantine, mais avait malgré tout entendu les carambolages. Ils avaient pourtant déconseillé de prendre la route.

Des voitures, des camions et même des ambulances s'étaient retournés, arrêtés brusquement à cause d'un éclair ou d'un passant traversant avec empressement, se faisant percuter par les voitures de derrière. Les cris et les alarmes s'étaient assortis dans un vacarme oppressant. Puis la pluie, avec la force de la grêle, s'était abattue sur le tarmac et les toits. Et elle était sortie.

En quelques secondes, son pull en cachemire s'était imbibé d'eau. Ses mèches foncées, trempées, se balançaient devant ses yeux. Les gens s'étaient repliées sous les auvents, sur les premières marches des maisons, ou derrière les murets des sorties de garage. La fumée émanant des véhicules accidentés floutait les éraflures et les bandages improvisés. Les lignes des trams endommagés conduisaient l'électricité dans l'eau. Des enfants pleuraient en tirant sur la manche des adultes qui auraient tout autant aimé être réconfortés.

— Hé ! l'interpela un policier. L'état d'alerte n'est pas levé, arrêtez-vous !

Chiara l'ignora. Elle courait, mettait toute sa force dans ses cuisses et ses mollets, se propulsant toujours plus loin et plus vite. Pourvu qu'il se soit mis à l'abri à temps. Pourvu que son cœur ait tenu le coup. La pluie tombait toujours lorsqu'elle sortit son téléphone portable de sa poche. Pas de réseau.

— Technologie de malheur !

Ses cheveux trempés frappaient sa mâchoire et malgré sa course effrénée, elle grelottait quand elle poussa la grande porte dorée du Ministère, déboulant dégoulinante dans le hall aussi somptueux que vide.

— Papa !

— Mademoiselle Bencivenni ! s'exclama le majordome qui faillit renverser un buste de marbre sur le parquet luisant en accourant. Ciel, vous êtes mouillée jusqu'aux os ! ajouta-t-il avant de filer à la recherche d'une couverture.

— Tacito ! l'arrêta-t-elle. Où est mon père ? Il va bien ?

— Bien évidemment, mademoiselle Bencivenni. Monsieur est au sous-sol.

— Je veux le voir immédiatement.

— Mademoiselle, vous allez tomber malade.

— Immédiatement.

Le majordome se résigna, accompagnant l'étudiante.

— Papa ! dit-elle en l'apercevant enfin.

Sorte de pièce secrète dédiée à la protection et à l'isolement des personnages importants, la cave avait des allures de boudoir. Monsieur Bencivenni était installé dans l'un des fauteuils, en pleine conversation avec un quelconque partenaire.

— Chiara, je me faisais du souci, dit-il en se levant.

— Reste assis, papa, j'arrive.

Puis elle se retourna.

— Merci, Tacito.

— Avec plaisir, mademoiselle Bencivenni, je vous apporte une couverture !

— N'es-tu pas censée être à l'école ?

— A l'université, papa. J'ai eu peur que tu sois dehors au moment de...

— Chiara. Tu sais que tu dois arrêter ça, n'est-ce pas ?

Les enfants de Bellegardane - T. 1 : MandrélineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant