Aux armes Chasseurs II

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De l'autre côté de la cloison, au centre d'un cercle formé de Chasseurs et Chasseuses longilignes, Olive se battait en duel. Des boules de résine avaient été enfoncées sur la pointe des griffes d'argent afin d'éviter les blessures, mais elles n'empêchaient pas les éraflures. Ses bras en étaient couverts. Elle avait pleinement conscience du risque qu'elle prenait. Du moins en avait-elle pris conscience au fur et à mesure. Elle savait qu'elle aurait dû quitter cette salle, mais elle était trop fière pour ne serait-ce que l'envisager. Et puis, elle aimait bien ses griffes, qui étaient comme un prolongement d'elle-même. Les gratter sur ses adversaires était hautement satisfaisant. Bien que souvent, elle retombait au sol, une nouvelle quintuple éraflure sur la peau.

Jura était passé ce matin et leur avait demandé de tremper leurs mains métalliques dans une substance censée s'enflammer. Olive avait d'abord trouvé l'idée maligne, avant de réaliser que ses propres mains seraient en proie aux flammes à la moindre maladresse. Aussi avait-elle décidé de ne tremper que le bout de ses griffes. Contrairement à ce que tout le monde semblait penser d'elle, elle n'était pas suicidaire.

Alors qu'elle venait de retomber pour la énième fois sur le tatami, elle se redressa et lacéra le Chasseur qui s'opposait à elle. Elle l'avait touché, mais il grimaça en silence, sans même vaciller. Alors elle réitéra de l'autre main, frappant de plein fouet son visage.

Pour remédier à la douleur lancinante, le Chasseur posa sa main froide sur sa joue, se griffant par la même occasion. Ses amis se moquèrent allègrement de ce réflexe stupide, et Olive alla s'asseoir en attendant que ce soit à nouveau son tour.

C'était cela qui la motivait réellement. Faire ses preuves. Montrer qu'elle, Olive Mahjrekar, la fille étrangère et vulgaire, était capable de faire face, d'agir pour et par elle-même. C'était cette force, qui grandissait en elle depuis l'enfance, à contre-courant des aspirations familiales, qui l'avait poussée à porter ces griffes à boules de résine.

Leur arbalète en main, Chiara et Matthieu observaient les gestes des Chasseurs pour tirer de manière efficace. Si Chiara avait encore des difficultés à manier l'arme, elle avait vite compris qu'elle devrait rester en retrait. Les arbalètes permettaient en effet de conserver une certaine distance avec les cibles en liège peint, mais elles étaient aussi lentes d'utilisation. Il valait mieux ne pas rater sa cible lorsque celle-ci était mouvante et mortelle.

Matthieu, lui, n'était pas le moins du monde à l'aise avec son arme. Les mains moites, il tirait systématiquement vers le sol. Matthieu était footballeur, pas chasseur. Il tapait dans un ballon pour le passer à ses amis, il ne tirait pas de carreau pour tuer des gens. Aussi monstrueux soient-ils. Le Capitaine de tir notoirement excédé par son incompétence, Chiara avait pris la responsabilité de lui donner des leçons elle-même. Elle ne visait pas encore le centre du panneau en liège circulaire, mais elle le touchait, ce qui était toujours mieux que de viser ses pieds. Cette décision audacieuse avait eu l'avantage d'envoyer le garçon aux anges. Il se montra résolument plus attentif aux explications de son ex petite-amie qu'à celles du Capitaine.

Au stand de tir, Katharina, son casque sur les oreilles et des lunettes de protection devant les yeux, tirait dans son couloir avec sa vieille carabine. Les armes des Chasseurs, des fusils de chasse améliorés et autres mitraillettes, étaient autrement plus efficaces. Ces gens-là ne plaisantaient pas. Ils avaient sorti l'artillerie lourde pour venir à bout des choses qui les répugnaient. Sur ce point, elle les rejoignait. Ces ignobles créatures ne méritaient pas de vivre. C'étaient des abominations à supprimer, plus néfastes et repoussantes que n'importe quels parasites. Quand elle repensait à l'enlèvement de Chiara, et cela lui arrivait plus souvent qu'elle ne l'aurait souhaité, jamais elle ne ratait sa cible. Son père lui avait tout appris à l'époque où il l'estimait encore. Juste avant le « dérapage », comme disait sa mère. Il l'emmenait en forêt durant les saisons de chasse.

Les enfants de Bellegardane - T. 1 : MandrélineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant