Dimanche 11 août 2013

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Le jour du départ était arrivé. Je terminai ma valise, maussade. Je n'avais pas envie de partir mais j'avais déjà attendu la dernière minute. Je décollai de Sydney à 12h30 pour atterrir à Roissy à 19 heures, heure française. Je reprenais le boulot dès lundi matin. Le décalage horaire risquait d'être difficile à encaisser.

- Tu es prête ? Me demanda Abi en passant la tête dans la chambre.

- Presque.

Je bouclai rapidement ma valise, déjà en retard pour l'aéroport. Nous arrivâmes à Kingsford Smith à peine vingt minutes avant l'embarquement. Nous nous précipitâmes vers le terminal et je me fis rapidement enregistrée. Je dis au revoir à Abi, qui me serra chaleureusement dans ses bras en me promettant de venir bientôt en France. Je l'embrassai et embarquai. Une fois dans les airs, je tentai de me détendre. Mais je redoutais l'atterrissage. Romain, qui m'avait demandé tout les deux jours quand est-ce que je rentrais, avait insisté pour venir me chercher à l'aéroport. J'avais hâte de le revoir mais j'espérais qu'il serait moins prompt à me faire des reproches qu'avant mon départ. J'appréhendais aussi le moment où je me retrouverais seule dans mon appartement. Mon séjour loin de chez moi avait-il été bénéfique ? Je l'espérais sans y croire.

Je ne vis pas les dix-sept heures de vol passer. J'avais dormi une bonne partie du trajet. Lorsque le pilote amorça la descente, il annonça que nous serions à terre dans dix minutes et que la température au sol était de dix-neuf degrés. Je sentis mon moral dégringoler. Perdre près de vingt degrés en moins de vingt heures avait tendance à me rendre de mauvaise humeur.

Je patientai une bonne demi-heure pour récupérer mes bagages et empruntai le long couloir jusqu'au hall des arrivées. Je scrutai la foule pour tenter d'apercevoir mon cousin. Je le repérai en compagnie de Margot qui sautillait en me faisant de grands signes. Mon cœur bondit de joie de les revoir - il battait donc toujours ? - et Margot se jeta dans mes bras.

- Tu es bronzée ! S'exclama t-elle avec un grand sourire. Tu nous as manqué.

- Vous aussi, répondis-je en me tournant vers Romain.

Il me serra dans ses bras et je fus heureuse d'être de nouveau à ses côtés. Je resserrai mon étreinte, soudainement très émue, même s'il me paraissait plus distant que d'ordinaire.

- Je suis contente de te voir, murmurai-je.

- Moi aussi. Allez, on te ramène.

Je les suivis jusqu'au parking où je fourrai difficilement ma valise dans la Clio de Margot. Romain prit le volant et je m'installai à l'arrière. Margot se tourna vers moi, les yeux brillants de curiosité.

- Alors, c'était comment l'Australie ?

- Beau et ensoleillé, répondis-je. Abi a acheté une paillote sur la plage, c'est un vrai paradis. Je te montrerai les photos.

- Quelle chance..., soupira t-elle. Et qu'est-ce que tu y as fait ?

- Plein de choses. Du surf, des barbecues sur la plage, j'ai visité Sydney...

- Tu as fait des rencontres ? Enchaina t-elle.

Je fronçai les sourcils.

- Quel genre de rencontre ? Lâchai-je.

- Je sais pas..., souffla t-elle en croisant le regard de son mari.

Elle sembla regretter sa question.

- Des rencontres, quoi, termina t-elle maladroitement.

- Abi a des potes sympas, répondis-je en m'adoucissant.

Remarquant que Romain n'avait pas ouvert la bouche, je portai mon regard sur le rétroviseur.

- Et toi ? Ton voyage au Canada ?

Il me jeta un coup d'œil sceptique.

- Je n'étais pas sûr que tu veuilles en entendre parler.

Je fis celle qui ne comprenais pas.

- Si, bien sûr.

- C'était cool, déclara t-il après une seconde d'hésitation, les gens sont tous accueillants. On a fait pas mal de trucs.

Je m'attendais à ce qu'il continue mais il n'ajouta rien. Je brulais d'envie de lui demander de ses nouvelles mais je me retins difficilement. Je lançai donc Margot sur son boulot, ce qui m'assurait une bonne heure de discussion.

***

Romain et Margot me déposèrent chez moi et insistèrent pour m'aider à monter mes bagages. Il me fallut un temps fou pour trouver mes clefs. Lorsque j'eus enfin mis la main dessus, nous pénétrâmes dans l'appartement. Une forte odeur de renfermé me chatouilla les narines et je fis la grimace. Margot embauchant tôt le lendemain matin, ils repartirent rapidement. Le bruit de la porte qui claque me vrilla les tympans. A peine me retrouvais-je seule qu'un silence oppressant m'enveloppa. Je tournai sur moi-même, observant les lieux en m'y sentant étrangère. Je sentis mon cœur se serrer douloureusement et mon estomac s'alourdir. Cette solitude qui m'avait fait fuir il y a un mois était toujours là, polluant plus que jamais l'environnement. Je compris que des milliers de kilomètres n'y changeraient rien. Peu importe où je serais, peu importe combien de temps je partirai, son image et son souvenir ne me quitteraient pas. J'allais errer seule dans cet appartement sans âme, le cœur et les pensées tournées vers lui, en sachant qu'il ne pouvait plus m'appartenir. Une énorme boule se forma au fond de ma gorge. Je me sentis étouffer. Je commençai à réaliser que ce n'était pas seulement un cauchemar. Que chaque matin, à chaque réveil, je replongerai dans cet enfer. Mes genoux se dérobèrent et heurtèrent durement le sol. Je pleurais comme je n'avais jamais pleuré depuis son départ.

Canada Blues 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant