Canada Blues 2

Dimanche 2 mars 2014

Dan rejoignit sa sœur dans le canapé, face à la cheminée. Sa mère s'affairait en cuisine tandis que son père jouait avec Zoé et Noah dans le jardin.

- Ça va, Danichou ? Demanda Carole avec un petit sourire.

- Bien. Et toi ? Où est parti Bob, cette fois-ci ?

- Atlanta, répondit-elle, le regard dans le vague.

Dan hésita un instant. Il savait que le sujet était sensible pour sa sœur.

- J'ai l'impression que c'est de plus en plus dur pour toi.

Carole eut un petit sourire désabusé.

- Oui et non. L'absence et la séparation, ça ne fait mal que lorsque les sentiments sont encore présents.

Dan la dévisagea un instant.

- Ce n'est plus le cas, entre Bob et toi ?

- Pour Bob, je ne sais pas, soupira t-elle. Pour moi...ça me fait l'effet d'être de lointains souvenirs.

- Et tu penses que ça peut s'arranger ?

- Ça pourrait, s'il était plus présent. Mais ce n'est pas dans ses projets pour le moment.

Carole lui adressa un petit sourire triste et Dan la bouscula gentiment. Il était attristé pour elle ; sa sœur méritait davantage de considération.

- Ne t'inquiètes pas pour moi, reprit-elle légèrement. Tu me connais, je ne me laisse jamais abattre.

- Je sais, sourit Dan.

- Bon, assez parlé de moi, enchaina Carole en se tournant vers lui avec une expression de conspiratrice. Raconte moi. Tes amours ?

Dan s'éloigna légèrement de sa sœur et son visage se ferma. Elle lui donna un coup d'épaule.

- Allez, dis moi.

Voyant qu'il ne desserrait toujours pas les dents, elle ajouta :

- Maman m'en a parlé.

Dan poussa un soupir, guère étonné.

- De quoi t'a-t-elle parlé ?

- De cette fille, en France. Et de toi. Maman te trouve changé. Et elle pense que tu n'es pas heureux. Même si nous ne vivons plus sous le même toit, je crois qu'elle a raison.

Dan s'apprêtait à répondre mais sa sœur le devança.

- Tu l'aimes toujours ?

Il déglutit difficilement. Il était déstabilisé que Carole lui pose cette question de manière aussi directe. Il ne pouvait pas y avoir de nuance dans sa réponse. Dan se mordit la lèvre et hocha la tête.

- Oui.

Carole afficha une expression un peu surprise.

- Neuf mois après ?

- Qu'est-ce que tu veux que je te dise ? Lâcha Dan, légèrement agacé.

Il n'avait pas besoin que sa sœur lui rappelle à quel point il faisait du surplace ces derniers temps. Le sourire de Carole revint.

- Comment elle s'appelle ?

Dan se tendit davantage.

- Je suis sûre que tu n'as pas souvent parlé d'elle depuis ton retour. Aller, ça te fera du bien.

- Alicia.

Une vague de chaleur afflua dans ses veines quand il prononça son prénom. Il ne l'avait pas dit à haute voix depuis tellement longtemps qu'il en avait presque oublié sa saveur, ses sonorités.

- C'est joli, commenta Carole. Quel âge à t-elle ?

- Vingt trois ans.

- Et qu'est-ce qu'elle fait dans la vie ? Continua Carole, les yeux pleins de curiosité.

Dan leva les yeux au ciel, exaspéré. Mais il devait bien reconnaître que sa sœur lui avait donné envie de parler d'elle.

- Elle a un boulot alimentaire, dans les bureaux. Et elle danse, ajouta t-il en souriant pour lui-même. Magnifiquement bien.

- Elle est professionnelle ?

- Semi-pro. Elle doit s'entraîner pour le championnat de France en ce moment.

Dan eut la furtive vision de son corps en mouvement sur le sol du studio de danse, légère, passionnée, merveilleuse.

- Tu as une photo d'elle ? Demanda encore Carole.

Il observa un instant Carole, hésitant, puis sortit finalement son téléphone de sa poche (qu'il avait pris soin de faire réparer). Il parvint rapidement à la galerie, fit défiler les photos et s'arrêta sur celle qu'il cherchait. Ne se sentant pas la force de regarder l'image en présence de sa sœur, il lui tendit son portable. Carole examina attentivement la photo.

- Elle est très belle, souffla t-elle.

Puis elle hocha la tête en souriant.

- Et elle a l'air très sympathique. Je suis sûre qu'on se serait bien entendues.

Dan sentit son cœur se serrer douloureusement.

- Elle m'a dit un truc similaire à ton sujet un jour. Quand je lui ai montré une photo de la famille. Que toi et moi nous ressemblions beaucoup et que, rien que pour ça, elle t'appréciait déjà.

Carole garda un instant le silence, laissant son frère dans ses pensées. Mais sa curiosité reprit le dessus.

- Est-ce qu'elle t'a présenté à ses parents ? Voulut-elle savoir.

Cette question le fit redescendre sur Terre. Il secoua la tête.

- A quoi ça te sert de poser toutes ces questions ?

Le visage de sa sœur devint plus sérieux.

- Parce que tu l'aimes, répondit-elle. Parce que tu as les yeux qui brillent quand tu parles d'elle. Et parce que, si c'est toi qu'elle regarde sur cette photo, ajouta t-elle en désignant du menton son portable, elle ressent la même chose pour toi, ça se voit dans son regard. Si c'est vraiment elle, vous vous retrouverez. Et je tiens à en savoir le plus possible sur elle le jour où nous nous rencontrerons.

Dan ne put s'empêcher de sourire devant l'optimisme débordant de sa sœur.

- Je ne sais pas si ce que tu as vu dans son regard est toujours d'actualité, souffla t-il tandis que son sourire disparaissait.

- Qu'est ce qui te fait penser le contraire ?

- Elle me l'a dit, à demi mot.

- A demi mot, ça ne veut rien dire, lui assura Carole. Surtout quand il s'agit d'une femme. Il faut que tu en sois sûr.

Dan haussa les épaules mais n'eut pas le temps de répondre.

- Appelle la, dit Carole. Je suis certaine qu'elle t'attend.

Il regarda longuement sa sœur, se demandant si elle pouvait avoir raison. Il aurait tout donné pour que ce soit le cas. Mais il ne pouvait pas se laisser aller à de telles projections.
La porte du jardin s'ouvrit et son père, Zoé et Noah pénétrèrent dans le salon à grand renfort de rires et de cris. Les enfants vinrent embrasser leur mère et filèrent dans la cuisine.

- Vous venez manger ? Demanda Joseph à son fils et sa fille.

- On arrive, papa, répondit Carole.

Elle retint Dan par le bras.

- Tu sais, Dan, on est tous super fiers de toi. Mais on le sera encore plus si tu trouves le bonheur.

Sa sœur se leva et il la suivit, ses paroles résonnant dans un coin de sa tête.