Mardi 31 décembre 2013

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Dan se laissa tomber sur son lit, déprimé. L'année 2013 se terminerait ce soir, laissant la place à 2014. Il n'avait pas envie de laisser cette année derrière lui. Parce que la prochaine n'avait rien d'enthousiasmant. Il avait l'impression de la laisser définitivement, qu'elle appartiendrait irrévocablement au passé. Cette idée lui était insupportable. Il voulait la garder près de lui, en lui. Il ne pouvait pas la laisser s'éloigner davantage. Même si la laisser partir serait probablement une meilleure chose pour lui, il ne pouvait s'y résoudre.

Dan se demanda quelle excuse il pourrait invoquer pour sécher cette soirée. Il en trouva quelques unes de plausibles. Mais ne songea pas longtemps à les utiliser ; ses parents ne comprendraient pas qu'il soit à la maison un soir de nouvel an. Et il n'avait pas envie de leur fournir d'explication.

Il laissa son regard errer aux quatre coins de la chambre. Sa chambre de gamin. Cette chambre où il avait passé toute son enfance et son adolescence. A presque 27 ans, il était revenu au point de départ. Il se faisait l'impression d'être un ado attardé. C'était une régression difficile à accepter. Lui qui s'était senti si adulte, si mature, si fort, ces derniers mois. Avec elle à ses côtés. Elle avait changé sa vision des choses, ses envies. Il lui était devenu naturel et nécessaire de la protéger, de prendre soin d'elle, de s'inquiéter de son bien-être, de subvenir à ses besoins - même si elle rechignait à l'accepter. Avec elle, Dan s'était senti capable de tant de choses ; il avait eu envie de tant de choses. S'engager, sincèrement et entièrement. Fonder une famille. Et où cela l'avait-il mené ? C'était de nouveau sa mère qui s'occupait de son linge et il dormait dans la même chambre que dix ans auparavant. « Belle évolution, Dan, bravo », pensa t-il amèrement.

Tournant la tête vers son radio réveil - qui devait avoir le même âge que lui - il s'aperçut qu'il était déjà en retard. Il enfila rapidement un jean et une chemise, souhaita un bon réveillon à ses parents et sortit. Dès qu'il eut quitté le carrelage du perron, la neige fraîchement tombée, que son père avait pourtant balayé, crissa sous ses pieds. Dan monta dans sa voiture et prit la direction de chez Teresa. Parce que, bien sûr, ses amis avaient décidé cette année de fêter le nouvel an chez les parents de cette dernière. Mr et Mme De Saint-Acheul devaient probablement être à Aspen ou Dan ne savait quelle autre station pour gens de la haute. Il se gara le long de la grande clôture qui délimitait les quelques 4 hectares de la propriété. Au vu du nombre de voitures dans l'allée, Teresa avait fait les choses en grand. Comme à son habitude. Dan monta l'immense perron en marbre et sonna. Il entendait déjà le son étouffé de la musique. Le majordome, Henri, vint lui ouvrir.

- Monsieur Ménard, l'accueillit-il chaleureusement. Il y a longtemps que nous ne nous étions pas vus. C'est un plaisir.

- Merci, je suis content de vous voir aussi, Henri.

Le majordome s'effaça et Dan pénétra dans l'imposante entrée.

- Miss Teresa et ses invités sont dans le grand salon, Monsieur.

- Merci, Henri.

Il se dirigea vers le salon, mal à l'aise. Cela faisait longtemps qu'il n'était pas venu ici. Il évitait déjà les lieux du temps de sa relation avec Teresa. Il n'avait jamais aimé cet endroit. Trop fastueux, trop démesuré, trop bling bling. Trop Teresa.

- Hé, Dan ! L'interpela Vivian lorsqu'il pénétra dans le salon bondé.

- Salut.

- Prêt à fêter cette nouvelle année ?

Dan acquiesça par réflexe et jeta un coup d'œil autour de lui. Le salon était savamment décoré. Des jeux de lumières stroboscopiques éclairaient les visages de ses amis par intermittence. Dan en reconnu certains, d'autres non. De longues tables étaient chargées de boissons et de mets de toutes sortes. Un nouvel an façon traiteur ; tout ce que Dan détestait.

Canada Blues 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant