Canada Blues 2

Samedi 18 juin 2016

Je sonnai à la porte et Margot vint nous ouvrir. Elle me fit la bise avec son enthousiasme habituel et salua Matt. A peine avais-je passé le coin du couloir qu'une petite tornade aux cheveux blonds et bouclés me sauta dans les bras.

- Ata ! Bafouilla mon adorable nièce.

- Coucou toi, l'accueillis-je en la prenant dans mes bras.

Je frottai mon nez contre le sien, ce qui la faisait toujours rire. Puis je la reposai par terre et Cléo me prit la main pour me conduire sur la terrasse, où Matt et moi retrouvâmes Romain, David et Wendy. Mon cousin était derrière le barbecue tandis que David était occupé à resservir ce qui ressemblait déjà à une deuxième tournée.

- Vous auriez pu nous attendre, bande d'alcoolos, me plaignis-je en prenant place sur une chaise.

Cléo monta immédiatement sur mes genoux.

- Il suffirait que vous soyez à l'heure, nous reprocha Romain en retournant les grillades.

Je lui fis la grimace, provoquant l'hilarité de ma nièce. Elle fêterait déjà ses deux ans le mois prochain. Encore une preuve que le temps filait à une vitesse folle. C'était une boule d'énergie et de joie de vivre qui illuminait la famille. Moi qui ne raffolait pourtant pas des enfants, Cléo m'avait complètement fait fondre. Comment aurait il pu en être autrement, puisqu'elle était devenue le centre du monde de la personne qui m'était le plus chère sur cette terre ? Romain en était devenue gaga et j'adorais ça ; il me fournissait un vivier de moqueries intarissable. J'avais découvert une autre facette de mon cousin : doux et patient. C'était une chose sur laquelle je n'aurais pourtant jamais parié. La petite fille de Margot et Romain était un parfait mélange des deux. Elle avait hérité de la blondeur et de la joie de vivre de sa mère. Cela ne l'empêchait pas d'avoir un caractère bien trempé et de piquer parfois des colères mémorables ; ça, c'était le côté Romain, bien sûr. Même s'il soutenait que c'était parce que sa fille me fréquentait beaucoup trop.

Margot et Romain avaient emménagé depuis quelques mois dans un joli pavillon en périphérie de la ville dont ils étaient les heureux propriétaires. Terminés les barbecues sur le balcon, place au salon de jardin et à la piscine. Fini les voisins, cet endroit était idéal pour accueillir notre bruyante petite bande.

Je m'emparai du verre de vin que David me tendait et je me penchai vers Wendy.

- Camille te passe le bonjour. Je crois que c'était une façon détournée de te reprocher gentiment de ne pas lui donner de nouvelles, ajoutai-je en souriant.

- Oui je sais, je suis une amie déplorable, répondit-elle avec un soupir. Mais en ce moment, avec le cabinet, je n'ai pas une seconde à moi.

- Vous avez trouvé un troisième associé ? M'enquis-je en évitant de justesse que Cléo ne renverse mon verre.

- Oui. Il commence dans une quinzaine de jours. Mon emploi du temps devrait enfin un peu s'alléger.

- A la bonne heure, intervint David en lui adressant un clin d'œil. Même moi, je dois prendre rendez-vous pour un massage en ce moment !

- Plains toi. Tu y a droit presque tous les soirs ! S'insurgea Wendy.

Je ris devant la grimace de David. Autre chose sur laquelle je n'aurais pas parié et pourtant : mes deux amis filaient toujours le parfait amour. Ils s'étaient installés ensemble juste après les championnats et David semblait avoir définitivement adopté la France, pour mon plus grand bonheur. Après le départ de Danick, j'avais crains de perdre également mon meilleur ami. Mais il évoluait toujours au sein des Condors, passant quelques semaines au Québec dès qu'il en avait l'occasion. Wendy l'avait d'ailleurs accompagné l'année précédente et elle avait rencontré sa famille. J'en avais bêtement ressenti un léger pincement de jalousie à l'époque. Mais j'étais tellement heureuse pour eux que cela m'avait vite passé.

Cléo remua sur mes genoux, réclamant à descendre pour rejoindre sa mère. Je la déposai au sol et la regardai faire quelques pas encore mal assurés jusqu'à Margot. Puis mon regard dévia sur Matt et Romain, qui discutait de je ne savais quoi près du barbecue. Je les observai un instant, appréciant leur relative amitié. Lorsque, après de longues semaines d'hésitation, j'avais enfin présenté Matt à mon cousin, les choses s'étaient plutôt mal engagées. Connaissant Romain, rien de surprenant, cependant. Il avait longtemps fait preuve d'une méfiance absolument exagérée. Jusqu'à ce que Matt parvienne à rentrer dans ses bonnes grâces, après avoir prouvé de multiples façons qu'il tenait réellement à moi. Et que Romain s'aperçoive que mon nouvel amoureux me permettait de revivre, vraiment, de sourire à nouveau. De tourner la page. D'avancer. Après ma traversée du désert qui avait duré près d'un an, cela avait été un petit miracle. Romain l'avait compris et je savais qu'il en était reconnaissant envers Matt. Même s'il ne lui avouerait jamais. Romain restait Romain. Depuis, sans être devenus les meilleurs amis du monde, ils s'appréciaient comme deux beaux-frères, simplement.

David, de son côté, avait tout de suite accepté Matt et l'avait intégré à notre petite bande comme s'il en avait toujours fait partie. Je n'en attendais pas moins de lui et de sa sociabilité sans faille. Il n'avait jamais fait allusion à Dan devant Matt, bien qu'il reste son meilleur ami.

Matt, remarquant mon regard, prit congé de Romain et vint s'asseoir à mes côtés.

- Ça va, bébé ?

J'acquiesçai et lui répondis par un sourire tandis que Romain déposait les grillades, enfin cuites, sur la table.

- Bon app !

Nous nous servîmes et commençâmes à manger avec appétit. Mon cousin leva le nez de son assiette.

- Alors, bientôt les vacances ?

- Oui, plus que quinze jours en tournée et je viens immédiatement vous rejoindre. Vous me réserverez un transat les filles, ajoutai-je à l'intention de Margot et Wendy.

- Tu viendras directement ? Demanda ma belle-sœur.

- Oui, je pense.

- Tu ne repasseras même pas à l'appartement ? Intervint Matt en fronçant légèrement les sourcils.

- Je comptais partir tout de suite en Vendée, répondis-je en espérant qu'il ne le prendrait pas mal. Je ne pourrais déjà pas en profiter longtemps. A peine une semaine.

- Ok, comme tu voudras.

Il ne paraissait pas vraiment apprécier la nouvelle. Je changeais de sujet.

- Martin nous accompagne toujours ?

- Oui, il arrivera en même temps que nous, me répondit David.

Mon oncle et ma tante avait loué un bungalow pour deux semaines. Ils l'occuperaient la première semaine avec ma cousine, Bastien, Romain et Margot. David, Wendy et Martin les rejoindraient le vendredi suivant. Et moi, seulement le lendemain pour profiter de la seconde semaine. Catherine et Bernard, ainsi que ma cousine, s'éclipseraient et nous laisseraient le champ libre après le week-end, emportant Cléo avec eux.

De vrais vacances entre amis. J'avais hâte qu'elles commencent. Matt me manquerait mais j'avais bien l'intention d'en profiter malgré tout.