Canada Blues 2

Vendredi 7 mars 2014

Dan rentra du Centre Bell vers minuit et demi. Son équipe avait remporté le match de ce soir, contre la Suède, 3-1. Il était particulièrement fier du but qu'il avait marqué. Rapide, net et précis. Un jeu comme seule l'équipe des Canadiens savait maîtriser à la perfection. Même s'il été arrivé au sein de la Team Canada avec d'excellentes bases, il sentait qu'il continuait à progresser. Et rien n'était plus stimulant.

A part elle.

Sa bonne humeur s'envola instantanément, remplacée par le manque et la frustration qui l'habitaient depuis son retour. Depuis le début de la semaine, il n'avait cessé de se repasser en boucle les paroles de Carole. « Tu dois en être sûr ». Avait-il vraiment des doutes ?

Il réfléchit longuement à la question. La façon dont elle lui avait dit, l'expression dure et distante de son visage et le fait qu'elle semblait tourner la page, lui prouvaient qu'elle ne lui trouvait vraiment plus aucun intérêt. « Une parenthèse », se répéta t-il une nouvelle fois, amer. D'un autre côté, il savait qu'il la connaissait par cœur. Et qu'elle l'avait forcément aimé. Sinon, comment expliquer l'intensité dans son regard, le bonheur qu'il lisait chaque jour dans ses yeux, ses gestes pleins d'affection, la passion qui les animait tous les deux ? Il n'avait pas pu se fourvoyer à ce point. Ses sentiments avaient-ils disparus au fil des mois ? L'avait-elle poussé à partir pour une raison qu'il ignorait ? Ou avait-elle vraiment trouvé quelqu'un d'autre ?

Dan secoua la tête, agacé. Il s'était déjà posé ces questions un million de fois sans jamais trouver les réponses. Elle était la seule à les connaitre. La voix de sa sœur résonna à nouveau dans un coin de sa tête.

« Appelle la. Tu dois être sûr »

Il joua négligemment avec son téléphone, se demandant s'il oserait l'appeler. Il fit défiler les applis du portable jusqu'au menu « Paramètres ». Il activa le numéro masqué puis il afficha le clavier. Bien sûr, il avait été incapable d'oublier son numéro. Comme tant d'autres choses. Ne réfléchissant pas davantage, le cœur battant, il composa son numéro et appuya sur la touche d'appel. Il porta le portable à son oreille, la main tremblante. Les sonneries s'égrenèrent, son rythme cardiaque augmentant à chaque nouvelle tonalité, jusqu'à ce qu'il tombe sur le répondeur. A la fois déçu et soulagé, il ne raccrocha pas tout de suite. Lorsqu'il entendit sa voix, juste son prénom, il eut l'impression qu'on lui avait arraché le cœur. Il appuya sur la touche « Fin d'appel » avant que le répondeur n'enregistre. Elle lui avait semblé si proche...

Dan s'empara de son pc et l'alluma. Savoir si elle avait retrouvé quelqu'un ou s'il y avait une chance qu'elle l'aime toujours lui était maintenant devenu un besoin crucial. Il se connecta sur son compte Facebook. Sans y être très active, il savait que ses amis publiaient souvent sur sa page. Il espérait pouvoir glaner quelques informations. Dan regarda l'historique de connexion et remarqua qu'elle ne s'était pas connectée depuis plusieurs semaines. Il fit défiler la page jusqu'à tomber sur une image d'un oiseau du jeu Angry Birds qui soufflait sur un nuage en forme de cœur. Elle avait été posté par Quentin début décembre. Dan se souvenait qu'il était le photographe de la troupe et un de ses amis. Il accéda aux commentaires. Quand il lut le post, une chape de désespoir et de colère lui tomba brutalement sur les épaules.

« Il paraît que tu es avec César 😶 petite cachottière 😲 »

Il cliqua fébrilement sur le seul commentaire.

« Tout arrive 😉 », avait-elle répondu.

Dan sentit son cœur tambouriner contre sa poitrine. Il referma brusquement son pc portable et se mit à faire les cent pas, l'esprit bouillonnant. Elle avait donc quelqu'un. Cette idée le mettait déjà hors de lui. Mais de savoir qu'il s'agissait en plus de son partenaire, cet espèce d'idiot qui ne semblait pas capable de faire une phrase... Pourquoi lui ? Que lui trouvait-elle ? Que pouvait-il lui apporter, ce type ? Des images d'elle, dans les bras de César, s'imprimèrent sur sa rétine et son sang battit à ses tempes. Il devait à tout prix les refouler sous peine de devenir fou. Il l'imagina, seule, dansant au milieu du studio et se concentra sur cette image. Etait-ce pour lui qu'elle l'avait quitté ? Songer qu'elle avait peut-être pensé à son partenaire de cette façon quand ils étaient encore ensemble le rendait malade.

Dan se laissa de nouveau tomber sur le lit, la gorge nouée. Il en était maintenant certain. Elle ne l'attendait pas. Et elle ne lui appartenait définitivement plus.

Teresa avait sans doute raison ; il finirait ses jours seul.