Canada Blues 2

Dimanche 29 septembre 2013

Le temps passait à une lenteur désespérante. Je bullai dans mon canapé devant la télé. Je n'avais pas envie de sortir ; le temps gris et venteux me décourageait d'avance. Emmitouflée dans ma couverture, je pensais à lui. C'était une grande nouveauté de ces derniers jours ; une brèche semblait s'être formée dans mon esprit. Les souvenirs revenaient, je les autorisai de nouveau à pénétrer mon cerveau encore engourdi. Je savais que ce n'était pas une bonne idée. C'était encore plus douloureux. Les semaines que j'avais passé enfermée dans ma bulle, mon cocon de solitude et de silence, avaient été plus supportables et de loin. Il était tellement simple et confortable de ne plus rien ressentir. Peut-être pourrais-je y retourner...

Non, Romain ne me laisserait pas faire. David non plus. Ils m'avaient à l'œil depuis quinze jours. Cela pouvait s'avérer plus handicapant que prévu d'avoir des gens pour qui votre bonheur comptait.

Son bonheur à lui m'importait. Mais uniquement si c'était moi qui en était à l'origine. Savoir qu'une autre avait ce pouvoir ne pourrait que m'achever. Je savais qu'il ne m'appartenait plus et ça me rongeait le cœur.

Il me manquait à un point que je n'aurais jamais cru possible. C'était une douleur physique, lancinante. Je souffrais autant que si on m'avait privé de nourriture ou d'oxygène.
Après tout ces mois pendant lesquels je m'étais interdit de songer à lui, j'avais envie de me vautrer dans les souvenirs, de revoir son visage, d'entendre de nouveau ses paroles... c'était vital. Ce n'était pas bon pour moi, mais j'avais perdu le contrôle de mon esprit depuis tellement longtemps qu'il était inutile de tenter de le raisonner.

J'attrapai mon ordinateur portable, posé sur la table basse et je l'allumai. Une fois la session ouverte, je me connectai à Google. Après un instant d'hésitation, je tapai « Team Canada Hockey». Le cœur battant, je regardai les résultats s'afficher. Je cliquai sur la seconde ligne et me retrouvai sur le site officiel des Canadiens. Je priai pour ne pas tomber sur une de ses photos. Je ne pourrais pas le supporter ; mon cœur risquait de s'arrêter. Je parcourus rapidement le menu du site sans prêter attention aux images et cliquai sur l'onglet résultats. En parcourant la page, je vis que les Canadiens étaient premiers du championnat. La coupe du monde... L'imaginer faire partie de l'une, ou la, meilleure équipe du monde me donna le vertige. C'était tellement énorme. Il réalisait son rêve et finalement, cette pensée me mit un peu de baume au cœur. La Team Canada était suivie de très près par les Russes et les Finlandais. La France n'était qu'en quatorzième position. Romain n'avait été sélectionné qu'en tant que remplaçant cette année et il n'avait pas encore joué de match. La Fédération n'oubliait pas facilement les joueurs un peu trop perturbateurs.

Je continuai ma visite du site, à la recherche des résultats individuels. Je mis la main dessus et hésitai un instant. Sa photo serait forcément présente. Je cliquai et, comme une enfant, mis ma main sur le coté de l'écran que je ne voulais pas voir. J'avais l'impression que mes doigts brûlaient. En examinant les tableaux, je vis qu'il avait des stats irréprochables. Je n'étais pas étonnée, juste fière. Mon cœur battait à tout rompre d'avoir fait, si insignifiante soit-elle, une petite incursion dans sa vie. Je sentis mes doigts glisser sur l'écran et refermai brutalement l'ordinateur. Il me fallut du temps pour revenir sur Terre.