Dimanche 19 juin 2016

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En zappant de chaînes en chaînes, Dan tomba sur une rediffusion d'un match des Penguins de Pittsburgh joué lors de la coupe Stanley de 2016. L'un des meilleurs matches de Sidney Crosby. Avec plaisir, il se plongea dans l'analyse du match, appréciant la précision et la rapidité des joueurs. En particulier celles du capitaine. Rapidement, alors que Crosby venait de marquer, Dan sentit ses pensées dériver. Ça ne manquait jamais : dès qu'il voyait ou entendait parler de Crosby, Dan pensait invariablement à elle. Alie. Et à cet incroyable cadeau qu'elle lui avait offert lors du seul Noël qu'ils avaient fêté ensemble. Son regard glissa vers la bibliothèque où le livre photo dédicacé trônait en bonne place.

Il pensait toujours à elle. Souvent. Plus de manière quotidienne comme ce fût le cas pendant de nombreux mois après leur séparation. Mais encore très régulièrement. De nombreuses choses le ramenaient encore à elle, comme si elle restait et resterait un repère, un point d'ancrage. Et Dan ne repoussait jamais ces souvenirs lorsqu'ils surgissaient. Au contraire, il les laissait l'envahir, savourant le bonheur de ces instants passés ensemble. Il arrivait encore que ce soit douloureux, mais la plupart du temps, se rappeler de leur vie ensemble lui faisait du bien, le réchauffait de l’intérieur.

Sauf quand il se souvenait qu'elle avait refait sa vie, sans lui. Ça, il tentait de ne pas y songer car immanquablement, il avait envie de hurler ou de briser la première chose qui lui tombait sous la main. Ça le rendait toujours dingue, de savoir qu'un autre posait les mains sur elle, pouvait profiter de son sourire au réveil, de sa chaleur chaque soir. Il s'appelait Matt. C'était la seule chose qu'il savait. Apprendre qu’il ne s'agissait pas de cet attardé de César ne l'avait pas consolé une seconde. Bien au contraire.

Après que son père soit sorti de l’hôpital, deux ans auparavant, Dan avait à nouveau songé à la rejoindre. Au bout de quelques semaines, son père s’était plutôt bien remis, sa mère avait pu se reposer et l'organisation à la maison était à nouveau rodée. Dan s'était enfin senti libre de s’éloigner de sa famille. Mais un coup de téléphone à David avait balayé tous ses espoirs. Quand il avait fait part de son projet à son ami, il y avait eu un long silence à l'autre bout de la ligne. Jusqu'à ce que David lui apprenne qu’Alie ne l'attendait plus, qu'elle avait retrouvé quelqu'un et qu'elle paraissait sincèrement heureuse. La première pensée de Dan avait été que cela lui importait peu, qu'il allait quand même prendre cet avion pour la France et tout tenter pour récupérer celle qu'il aimait. Mais il s’était vite rendu compte que cette idée était égoïste et totalement stupide. De quel droit aurait-il débarqué ainsi dans sa vie sans y avoir été invité ? Il ne s’était pas senti le courage, encore une fois, d'affronter son rejet. Si elle l'avait repoussé, si elle lui avait rit au nez, il en serait définitivement mort.

En désespoir de cause, quinze jours plus tard, il invitait Manon à dîner. Avec la ferme intention de laisser Alie s'en aller, de la laisser quitter son cœur et son esprit. Il était temps qu'elle laisse la place à une autre.

Au début de sa relation avec Manon, Dan s’était senti dans la peau d'un comédien minable. Il avait eu l'impression de jouer un rôle, de devoir cacher sa douleur derrière une façade en béton armé. Mais la jolie infirmière était du genre perspicace et à force de douceur et d’empathie, elle était parvenue à percer ses défenses. Il s’était pris d'affection pour elle et s’était même surpris à se projeter à nouveau. Malheureusement, les nombreuses qualités de Manon et les sentiments que Dan avait développé pour elle restaient tellement éloignés de ce qu’il avait ressenti pour Alie qu'il avait vite compris que rien ni personne, jamais, ne pourrait la remplacer. Il passait son temps à chercher en quoi Manon et Alie pouvaient se ressembler, à penser aux qualités de sa belle française lorsqu’il découvrait un défaut chez Manon… Dan détestait ça. Il se trouvait lamentable. Manon méritait tellement mieux. Il avait souvent songé, au début, à mettre fin à cette relation qui ne semblait pas avoir de sens. Et puis quoi ? Finir sa vie seul et dépressif ? Il n'avait pas pu s'y résoudre. Il avait toujours le rêve de se marier, de devenir père, et il n'abandonnerait pas ces espoirs.

Heureusement, au fil des mois, ce combat intérieur s’était apaisé. Manon et lui avait fait un petit bout de chemin ensemble, ils avaient construit le début de ce qui promettait d’être une agréable vie. Il l'aimait. Pas aussi fort qu'il l'avait aimé, elle, mais suffisamment pour pouvoir avancer à ses côtés.

Il ne lui avait pas caché. Enfin, pas totalement. Manon connaissait l'existence d'Alie. Elle savait combien leur séparation l'avait fait souffrir et à quel point il avait eu du mal à s'en remettre. Elle l'avait accepté et lui avait laissé le temps nécessaire. Il lui en était reconnaissant pour ça. Ce que Dan lui avait toujours caché cependant, c’était qu'elle resterait un second choix, celle qui avait ramassé les pots cassés mais qui ne ferait jamais vibrer son cœur au point d'en perdre la raison.

Un bruit provenant de la salle de bain le ramena brutalement sur Terre. Manon, fraîchement sortie de son bain, traversa le salon enroulée dans une serviette. Peut-être était ce parce que l'image d'Alie flottait encore dans sa tête que Dan eut soudainement une furieuse envie de sexe. Ou peut-être était ce parce qu'ils n'avaient pas fait l'amour depuis deux semaines. Une éternité. Manon n'avait pas tout à fait ce qu’on pouvait appeler une libido débridée. Elle était sexy quand elle le voulait, mais elle prenait rarement les devants. Dan adorait quand l'initiative venait d'elle mais c’était affreusement rare. Alie l'avait habitué à un rythme autrement plus… intensif. Il ne se souvenait pas d'une fois où elle ait refusé ses avances. Ou d'avoir passé plus de deux jours sans s'enfouir tout au fond d'elle. Avec Alie, ils auraient déjà fait trente fois le tour de l'appartement, dans des positions toutes plus extravagantes les unes que les autres. Avec Manon, l'endroit le plus insolite où ils avaient fait l'amour, et bien, ce devait être le canapé.

-          Hé, attend, l’interpela Dan tandis qu’elle se dirigeait vers la chambre.

Il s'approcha avec un sourire. Il posa la main sur le nœud de la serviette et, d'un petit geste rapide, écarta les pans de tissu pour révéler le corps nu de Manon. Elle lâcha un petit cri de surprise tandis que Dan appréciait la vue avec une expression coquine. Sans surprise, elle piqua un fard.

-          Qu’est ce que tu fais ?

-          A ton avis ?

Sans lui laisser le temps de protester, il la plaqua doucement contre le mur et déposa de langoureux baisers dans son cou. Sa main glissa entre ses cuisses et ses doigts s'insinuèrent entre ses lèvres. Quand il entendit ses petits halètements, Dan sut que c’était gagné. Laissant la serviette sur le sol du couloir, il souleva Manon dans ses bras et la conduisit dans la chambre. Elle laissa échapper un petit rire quand il la jeta sur le lit.

Il se défit de ses vêtements et sans davantage de préliminaires, il s’enfonça presque brusquement en elle. Manon se cambra et poussa un gémissement de plaisir. Profitant qu'elle ait les yeux fermés, Dan l'imita et laissa son esprit s'envoler vers Alie et son corps si parfait.

Canada Blues 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant